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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/357

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Je pris donc le brigantin, deux barques et quatre canoas, dans lesquels j’embarquai mes Espagnols et une cinquantaine de Mexicains qui étaient restés avec moi. Je laissai dans le village un commissaire chargé de distribuer des vivres et de soigner les malades que je laissais derrière moi. Je partis et remontai la rivière avec la plus grande difficulté ; en un jour et deux nuits, j’atteignis le premier des deux golfes qui a bien douze lieues de large, et où je ne vis aucune habitation, les bords en étant fort marécageux. Je naviguai tout un jour dans ce golfe, jusqu’à ce que je trouvasse l’embouchure de la rivière, dans laquelle j’entrai et par où j’atteignis l’autre golfe le lendemain. C’était la chose la plus belle du monde que cette grande nappe d’eau douce de plus de trente lieues, entourée de ces hautes et pittoresques montagnes qui lui faisaient un cadre merveilleux ; j’en longeai les bords jusqu’à la nuit, quand je découvris un sentier qui a une demi-lieue de là me conduisit à un village d’où j’avais été signalé, car il était désert et dépouillé de toutes choses. Dans les champs, nous trouvâmes beaucoup de maïs verts, nous en mangeâmes le soir et le matin, et voyant que nous ne pouvions nous procurer ce que nous cherchions, nous nous chargeâmes de maïs verts et regagnâmes nos barques sans avoir vu un seul Indien. Je traversai alors de l’autre côté du golfe, ce qui nous prit du temps et nous causa une grande fatigue. Nous y perdîmes une canoa dont nous sauvâmes l’équipage, sauf un Indien qui se noya.

Nous abordâmes très tard et ne pûmes débarquer que le lendemain de bonne heure. Avec les barques et les canoas, nous remontâmes un petit ruisseau tandis que le brigantin restait dans le golfe. Ayant découvert un sentier, je pris terre avec mes trente hommes et tous mes Indiens et renvoyai les barques et les canoas. Je suivis le sentier, qui, à un quart de lieue, nous conduisit dans un village abandonné depuis longtemps, car l’herbe poussait dans les maisons ; il était encore entouré de vergers d’arbres à fruits et de plantations de cacao. Je parcourus les environs à la recherche d’une route et j’en trouvai une qui paraissait n’avoir plus servi depuis bien longtemps ; n’en voyant pas d’autre, je m’y engageai, elle conduisait au