Aller au contenu

Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aussitôt que nous touchâmes la rive, ils poussèrent de grands cria et nous lancèrent une telle quantité de flèches et de pierres qu’ils nous blessèrent tous ; pour mon compte, je fus atteint à la tête que j’avais découverte, heureusement la berge était à pic, et grâce à cette circonstance nous pûmes leur échapper, car ceux qui voulurent sauter sur les barques et sur le radeau, ne purent arriver, et la plupart durent se noyer. Le courant était tellement rapide, qu’en une minute il nous emporta loin d’eux et nous naviguâmes tout le reste de la nuit sans plus entendre que quelques cris dont nous accueillaient de rares canoas et de petits groupes d’Indiens perchés sur les rives ; tous les bords de la rivière étaient en effet couverts de plantations de cacao et de magnifiques vergers. Le matin, nous n’étions plus qu’à cinq lieues de l’embouchure de la rivière dans le golfe où nous attendait le brigantin ; nous les rejoignîmes vers le milieu du jour ; de sorte que, en une nuit et un jour nous fîmes plus de vingt lieues sur cette rivière.

Quand nous voulûmes transporter à bord du brigantin le chargement des radeaux, nous nous aperçûmes que presque tout était mouillé. Voyant que si nous ne pouvions faire sécher nos provisions, tout serait perdu et notre travail vain, je fis charger sur le brigantin tout ce qui était sec ; je fis mettre dans les deux barques et les deux canoas ce qui était mouillé et les dépêchai en toute hâte au village pour que là-bas on l’y fît sécher, attendu que, sur les borda du golfe, il eût été impossible de le faire. Je leur mandai donc de faire toute diligence et de me renvoyer aussitôt les barques et les canoas parce que avec le brigantin et la canoa qui me restait, je ne pouvais transporter tous mes hommes.

Après le départ de ces deux barques, je mis à la voile et me rendis aux lieux où j’avais donné rendez-vous à mes Espagnols ; je les attendis trois jours après lesquels ils arrivèrent en bon état, sauf l’un d’eux qui avait mangé certaines racines et qui mourut subitement. Ils me ramenaient un Indien qu’ils avaient surpris dans le village où je les avais laissés ; cet homme avait une physionomie différente de ceux que nous connaissions et parlait une autre langue ; l’un de nos prisonniers la parlait aussi,