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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/376

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qu’il allait s’en aller et que nous étions perdus. Après nous être consultés, nous résolûmes, poussés par l’extrême nécessité où nous étions, de faire ce qu’on nous demandait, pour ne pas mourir de faim et que les Indiens ne nous tuassent point, n’ayant pas d’armes pour nous défendre.

« Nous répondîmes donc au sieur Ruano que nous étions prêts à faire ce qu’il nous demanderait. Il s’en retourna à la caravelle, d’où le bachelier débarqua bientôt avec des hommes armés. Ruano nous fit alors faire une requête par laquelle nous le demandions pour notre capitaine, requête que nous signâmes tous. Les alcades, le trésorier, le comptable et le commissaire, tous les officiers durent résilier leurs offices ; il changea le nom de la ville et l’appela Ascension puis, par acte notarié, nous passâmes du pouvoir de Sa Majesté au pouvoir des juges. Il nous donna immédiatement ce que nous lui demandions, s’empara de quelques Indiens qu’on mit aux fers comme esclaves et les emmena. Il ne voulut pas qu’il fût parlé du cinquième dû à Sa Majesté et déclara que pour les droits royaux il n’y aurait ni trésorier, ni comptable, ni commissaire, mais que le sieur Ruano qu’il nous laissait comme capitaine se chargerait de cette besogne sans livre de caisse, ni contrôle. Il partit donc nous laissant Ruano pour capitaine, avec promesse de revenir bientôt, armé de nouveaux pouvoirs auxquels personne ne saurait résister.

« Après son départ, comprenant combien nous avions eu tort et à quels scandales nous nous préparions pour l’avenir, nous renvoyâmes ledit Ruano dans les îles, tous nos officiers reprirent leurs emplois, nous sommes revenus à l’obéissance que nous devons à Votre Grâce et à Sa Majesté, et nous vous prions, Seigneur, de vouloir bien nous pardonner l’affaire de Cristobal de Oli où la nécessité nous entraîna comme dans celle-ci. »

Je leur répondis que je leur pardonnais l’affairé de Cristobal de Oli, au nom de Votre Majesté, et que je ne saurais leur en vouloir de la faiblesse qu’ils avaient montrée en si dure occurrence ; mais qu’ils ne retombassent plus dans les mêmes fautes, que ne pardonnerait point Sa Majesté et qui seraient sévèrement punies. Pour bien leur prouver que j’oubliais les choses