Aller au contenu

Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment. Ce fut là que les survivants purent refaire leurs forces. Dieu sait combien je fus affligé de ce naufrage qui, outre des parents, des amis et des serviteurs, m’enlevait des corselets, des escopettes, des arbalètes et des munitions qui se trouvaient sur le navire ; mais ce que je regrettai le plus, fut ma correspondance et je vais dire pourquoi à Votre Majesté.

L’autre navire qui allait à la Jamaïque et celui qui devait aller à l’île Espagnola jetèrent l’ancre à la Trinité dans l’île de Cuba ; ils y rencontrèrent le licencié Alonzo de Zuazo que j’avais laissé procureur général dans le gouvernement de la Nouvelle-Espagne et ils rencontrèrent un navire que les juges de l’île Espagnola envoyaient à la Nouvelle-Espagne pour y répandre la nouvelle de ma mort. En apprenant que je vivais, ce navire changea sa route, car il avait dans son chargement trente-deux chevaux, divers objets pour la cavalerie, et des provisions qu’il pensa vendre beaucoup mieux, là où j’étais. Zuazo m’écrivit par ce navire, comment en la Nouvelle Espagne, tout n’était que troubles, confusions, disputes entre les officiers qui avaient fait courir le bruit de ma mort ; qu’ils avaient choisi deux d’entre eux comme gouverneurs, qu’ils s’étaient fait prêter serment comme tels et qu’ils s’étaient emparés du licencié Zuazo. Ils avaient enlevé la justice aux deux officiers que j’en avais chargés, avaient mis au pillage ma maison que j’avais laissée sous la garde de Rodrigo de Paz, sans parler d’autres abus dont je fais le sujet d’une lettre à Votre Majesté et que je ne rapporterai pas ici.

Votre Majesté peut se figurer ce que j’éprouvai en apprenant ces nouvelles ; c’était une belle récompense pour mes services, que de mettre à sac ma maison, encore que je fusse mort ! Mes persécuteurs invoquaient pour excuse que je devais à Votre Majesté plus de soixante mille piastres d’or ; ils savent pertinemment que je ne les dois pas et qu’on m’en doit, au contraire, plus de cent cinquante mille que j’ai dépensés et je peux le dire, bien dépensés, au service de Votre Majesté. Je pensais donc à régler cette affaire et je crus qu’il fallait m’embarquer sur ce navire, me rendre à Mexico et châtier les coupables. Puis, je pensai à cet autre capitaine que le gouverneur Pedro