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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/400

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Majesté au-dessus de tous les biens de ce monde ; car pour mériter ce titre de serviteur de Votre Majesté et de sa couronne impériale et royale, je me suis exposé aux plus grands périls et me suis livré aux travaux les plus pénibles, non pour l’amour de l’or dont j’ai possédé beaucoup pour un simple gentilhomme, car je l’aurais dépensé et sacrifié à une seule fin : approcher mon souverain maître. Mes péchés ne l’ont point permis jusqu’à ce jour, et il me serait encore impossible de combler cette ambition, si Votre Majesté ne daignait m’accorder la grâce que je lui demande. Pour que Votre Excellence ne puisse penser que je sois trop audacieux à lui demander une telle faveur, j’oserais lui rappeler que j’ai exercé dans ces pays la charge de gouverneur, au nom de Votre Majesté ; que j’ai par toutes ces contrées étendu les Domaines et Royales Seigneuries de Votre Majesté, réduisant à son joug tant de provinces toutes semées de tant et de si nobles villes et villages ; que j’ai enlevé les habitants à leurs pratiques idolâtres pour les amener à la connaissance de Notre Sainte Foi Catholique, de telle manière que s’il n’y a pas de révolte chez ceux que blesse la nouvelle croyance et si le zèle ne se ralentit pas, nous aurons bientôt une église de la Nouvelle-Espagne où Dieu Notre Seigneur sera servi et adoré avec plus de ferveur qu’en nulle autre part au monde. J’ajoute que quand bien même Votre Majesté m’accorderait dans ces royaumes un revenu de dix millions, ce qui ne serait pas une mince faveur, je sacrifierai le tout au noble désir d’être admis en Votre Royale Présence, de manière que Votre Grandeur puisse être bien convaincue de ma loyauté et de mon ardent désir de la servir.

La seconde chose serait qu’il me fût permis d’éclairer Votre Majesté Catholique sur les intérêts du continent et des îles, afin qu’on y pratiquât les réformes que demande le service de Dieu et de Votre Majesté, parce qu’elle ajouterait une plus grande loi en ce que je lui dirais de vive voix, qu’en une lettre venue de loin. Cette dernière ne serait attribuée, comme on l’a fait jusqu’alors, qu’au désir de sauvegarder mes intérêts plutôt qu’au zèle de servir ceux de Sa Majesté ; c’est pourquoi je désire avec une passion que je ne saurais dire la permission d’aller baiser les pieds de Votre Majesté.