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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/42

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petits et grands, admirablement sculptés et il y a des villages où les idoles sont enjolivées de plumes et d’étoffes brodées avec le goût le plus délicat. Tous les jours, avant de rien entreprendre, ils brûlent dans ces temples de l’encens et offrent leurs personnes mêmes en holocauste, les uns se coupant la langue, d’autres les oreilles, et quelques-uns se tailladant le corps à coups de couteaux ; le sang qui s’en échappe, ils l’offrent à ces idoles, le répandant par toutes parties du temple, le jetant parfois vers le ciel et faisant mille cérémonies : de sorte qu’ils n’entreprennent rien sans faire un sacrifice. Ils ont une autre coutume horrible, abominable, bien digne de châtiment et que nous n’avons observée nulle part ; c’est que chaque fois qu’ils ont quelque chose à demander à leurs idoles, afin qu’elles soient propices à leurs prières, ils prennent des jeunes garçons et des jeunes filles, des hommes et des femmes aussi, dont ils ouvrent la poitrine, dont ils arrachent le cœur et les entrailles qu’ils brûlent devant leurs faux dieux, leur en offrant la fumée en sacrifice. Quelques-uns de nous ont été témoins de ces sacrifices et ceux qui les ont vus, disent que c’est la chose la plus terrible et la plus épouvantable qui se puisse imaginer.

Ces Indiens font ces sacrifices si fréquemment et si souvent, que l’on nous a dit, et nous en avons une certaine expérience pour le peu de temps que nous habitons leur pays, qu’il n’y a pas d’années qu’ils ne tuent et sacrifient cinquante personnes dans chaque temple ; et cela se pratique, de l’île de Cozumel à l’endroit où nous sommes. Vos Majestés peuvent être sûres que vu l’étendue de leur contrée et le grand nombre des temples, il n’y a pas d’année qu’ils ne tuent et sacrifient trois ou quatre mille êtres humains. Vos Royales Majestés jugeront si elles doivent remédier à d’aussi grands maux et si nous n’agirions pas pour la plus grande gloire de Dieu Notre Seigneur en instruisant ces malheureux dans notre sainte religion catholique et en changeant la dévotion, foi et espérance qu’ils ont en leurs idoles, en celles de la divine puissance de Dieu ; car il est certain que s’ils servaient Dieu avec le même zèle, la même loi et la même ferveur, ils feraient des miracles.

Il faut croire que Notre Seigneur Dieu a permis la découverte