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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/86

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Il y avait quinze jours que Muteczuma était en prison lorsqu’arrivèrent les gens qu’il avait envoyés à la recherche de Qualpopoca et de ses complices ; ils ramenaient le cacique, l’un de ses fils et quinze personnes qui, disait-on, avaient été les plus compromises dans le massacre des Espagnols. On avait amené Qualpopoca en palanquin comme un vrai seigneur qu’il était. Aussitôt arrivés on me les livra et je les fis garder avec soin. Après leur avoir fait avouer qu’ils avaient tué les Espagnols, je leur demandai s’ils étaient les vassaux de Muteczuma ? « Et de quel autre souverain serais-je donc le vassal ? » me répondit Qualpopoca, semblant dire par là qu’il ne saurait y en avoir d’autre. Je leur demandai alors si le massacre avait eu lieu d’après ses ordres ? ils répondirent que non, quoique plus tard, au moment où l’on exécutait la sentence qui les condamnait à être brûlés, tous s’écrièrent d’une commune voix que c’était bien Muteczuma qui leur avait donné des ordres et qu’ils n’avaient fait que suivre ses instructions.

Ils furent donc brûlés publiquement sur une place sans qu’il y eût aucun trouble. Comme le jour de leur supplice, ils avaient avoué que Muteczuma leur avait ordonné de tuer les Espagnols, je fis mettre à celui-ci les fers aux pieds, ce dont il éprouva une douleur mortelle. Mais après avoir causé quelque temps avec lui, je les lui enlevai, ce qui lui fit un immense plaisir et depuis, je me suis toujours efforcé de faire tout ce qui pouvait lui être agréable. Je fis savoir aussi à tous les habitants du pays et disais à tous ceux qui venaient me voir, que Votre Majesté s’était réjouie de compter Muteczuma parmi ses vassaux, reconnaissant ainsi combien Votre Altesse était au-dessus de lui ; je leur disais qu’ils seraient agréables à Votre Altesse en lui obéissant et en la tenant pour leur seigneur comme ils le faisaient avant que je vinsse dans leur pays. Je fis si bien tout ce que je pus pour plaire au prince, et il en éprouva un tel contentement, que bien des fois, lui ayant offert la liberté, le priant de retourner dans son palais, il me répondait toujours, qu’il était fort bien avec moi, qu’il ne voulait pas s’en aller, parce que près de moi, il ne lui manquait rien des choses qu’il désirait, comme cela eût pu lui arriver dans son palais. Il est fort pos-