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les voies de l’amour

chose, il manquait un objet à l’amour qui débordait de mon cœur. Oh ! si Andrée eût été toujours là avec moi, jamais je ne l’aurais oubliée ; mais elle venait si rarement, et puis elle avait cessé de venir. Hélas ! j’étais comme l’ivrogne qui repousse le verre qui lui fait perdre la raison, et qu’il finit cependant par saisir à deux mains, parce que la tentation est plus forte et plus tenace que le ferme propos dans les esprits lâches et les caractères faibles. Je voulais repousser Lucille, la chasser parce qu’elle me faisait perdre le souvenir d’Andrée, mais je ne pouvais résister à la tentation de toujours la revoir, de la sentir près de moi, de respirer son parfum préféré que je commençais à aimer. Et tout d’abord il me semblait qu’elle avait quelque chose de mon Andrée. Quand elle éteignait le feu de son regard, je croyais y retrouver la douceur de celui d’Andrée. Parfois sa voix prenait des accents étranges comme ceux que j’avais entendu sous les tonnelles ; m’eussè-je fermé les yeux j’aurais cru à la présence d’Andrée près de moi. Parfois elle tressait ses cheveux comme ceux d’Andrée et j’en retrouvais jusqu’à la couleur dans mon imagination. Lucille connaissait si bien toutes les roueries de l’amour qu’elle avait étudié et compris en très peu de temps Andrée dont elle imitait à la perfection l’air, les gestes, le langage. Elle usa de tous les artifices pour se faire aimer. Parfois elle était un jour ou deux sans me venir voir dans le seul