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les voies de l’amour

faisaient vibrer les cordes les plus sensibles de mon cœur. Mais quand j’étais seul avec Lucille, son emprise sur moi prenait le dessus, et j’oubliais près d’elle la grâce et la douceur de Béatrice. J’avais trop de bonheur avec l’une ou l’autre et j’aurais voulu ne plus les connaître, ne plus les aimer ni l’une ni l’autre. J’avais aimé trop longtemps Lucille pour l’abandonner quand elle croyait toucher le but du bonheur suprême si longtemps espéré. Je goûtais depuis trop peu les charmes de Béatrice pour lui sacrifier l’amour profond que j’avais voué à sa sœur. Lucille m’avait donné beaucoup de bonheur et de joies. Béatrice m’en promettait autant, sinon plus. Parfois, à la pensée de ces deux sœurs qui se disputaient depuis peu mon amour, j’étais irrésolu, indécis. La vue de l’une me faisait oublier l’idée de l’autre. Ah ! que je désirais avec ardeur l’arrivée de Jean, mon ami. Lui seul pouvait me remettre dans le chemin que j’étais à la veille d’abandonner. Je souffrais de mon indécision ; j’en avais les cauchemars dans mes rêves où Béatrice m’apparaissait le cœur de Lucille à la main. Elle le jetait par terre, le piétinait, et j’en voyais gicler le sang par les multiples déchirures que ses talons y faisaient. Parfois c’était Lucille qui arrachait le cœur de la poitrine de Béatrice endormie dans son lit. Lucille déposait le cœur sur les draps maculés d’un sang noirâtre. Elle le déchirait avec un couteau acéré et me le jetait à la face comme une