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les voies de l’amour

me semblait douce comme le velours qu’on aime à caresser. Je n’avais jamais vu d’autres yeux d’homme que ceux de mon père, qui me paraissaient bien sévères à travers les broussailles de ses sourcils épais, et tout à coup des yeux d’un beau bleu me regardaient ; c’était comme une caresse qui m’allait au cœur. Élevée comme une recluse dans un couvent ou dans la maison paternelle, je n’avais jamais joué avec les petits garçons ou même les petites filles de mon âge ; je n’avais jamais rencontré de jeunes gens pendant mon adolescence avec qui j’aurais pu flirter. Ma jeunesse semblait destinée à s’étioler dans l’isolement, sans plaisirs, sans joies, sans amour. J’étais toujours seule devant un papier de musique qui accompagnait ma mélancolie et ma tristesse au piano, ou devant une toile, tendue dans un cadre sur un chevalet, sur laquelle j’essayais de peindre les figures des jeunes garçons que mon imagination me montrait toujours à travers un voile. Ma mère se reconnaissait toujours dans chaque portrait, parce que la tête que je peignais était toujours efféminée. Elle n’avait rien des traits caractéristiques de l’homme. J’excellais dans la reproduction des tableaux de la nature. Peindre un cheval, aux naseaux ouverts et frémissants, à l’œil en feu, une vache avec ses grands yeux mélancoliques, un chien près de la barrière, qui aboie au passage d’un mendiant, des poules qui picorent et un coq qui se promène majestueusement