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les voies de l’amour

chère petite Andrée dans cette jeune fille dont il s’était proposé de martyriser l’âme, de déchirer le cœur. Mais se pouvait-il en réalité que celui qui était là, écrasé devant moi dans le grand fauteuil, racontant le roman que son imagination surexcitée par l’alcool et les drogues avait inventé pour le monter à la hauteur d’un bourreau sur la potence, fût mon ancien condisciple de collège, mon ancien ami le plus cher à qui j’aurais tout sacrifié ? Impossible ; je n’avais pas encore trente ans et lui en avait soixante ; c’était un vieillard usé, décrépit qui traînait mal ses soixante ans. Était-ce un sorcier, un bohémien déguenillé, écœurant, brûlé par l’alcool, qui court les chemins pour vivre de rapines et de vols, toujours en quête de victimes dont il abuse de la crédulité ? Allait-il me dire ce que les tarots toujours en ses poches ou en ses mains lui avaient dévoilé de mon passé avant d’entrer chez moi ? Était-ce un chiromancien habile ? Mais comment aurait-il pu lire dans ma main qui tenait une pipe ou dans l’autre engouffrée dans la poche de mon pantalon ? Était-ce un imposteur qui aurait pu dans son passé avoir la même vie que moi ? L’histoire se répète si souvent pour les hommes qu’il n’y avait rien d’impossible qu’il eût eu autrefois une vie dont il exagérait les misères, vie qui ressemblait à la mienne dans ses grandes lignes. Impatient de connaître la fin de son conte fantasque et plus ou moins invraisemblable, je me mis à mon aise