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les voies de l’amour

vois encore assis à la tribune, tenant en ses deux mains un tout petit cahier de notes, et tournant sans cesse son regard, toujours le même, vers un coin du plafond, comme un joueur qui cherche quelle carte il doit jeter sur la table. Sa parole était lente, sa voix faible, très faible ; on l’entendait à peine dans la très petite salle ; mais son cours était marqué au cachet de la sagesse et de l’expérience. C’est plutôt au lit du malade qu’il a fallu voir Rottot pour l’apprécier à sa juste valeur. Il était inestimable comme clinicien : c’était le Potain du Canada. Quel beau vieillard ; grand, sans embonpoint comme sans maigreur. Ses quatre-vingts ans l’ont abattu mais ne l’ont pas courbé ; il est tombé comme le chêne que la cognée a frappé. Quelle belle figure encadrée dans des favoris et des cheveux grisonnants ! Quels yeux pétillants sous de longs et épais sourcils ! Quelle vie et quel langage dans les yeux ! Ah ! quelle expression sur sa bouche aux lèvres minces. Le docteur Rottot était loin d’être un loquace ; il parlait rarement mais il avait une physionomie, quand il nous écoutait, qui en disait plus que des paroles abondantes. Qui n’avait remarqué le mouvement de ses lèvres minces, quand il devait répondre. Il écoutait longtemps ; ses lèvres frémissaient, tremblaient, se resserraient ; on aurait dit que, avant de s’entr’ouvrir, elles laissaient à l’esprit de leur maître le temps de bien étudier l’interrogateur, pour ne pas le