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prise par Mgr Laflamme pour la conservation de nos forêts ! On sait quelle importance il attache à leur conservation. Elle lui parait même supérieure à celle de l’agriculture, car celle-ci peut se renouveler, mais la forêt une fois disparue, il est presqu’impossible de la faire revivre. Et cependant ; sans forêt, pas de bois de feu, ni de bois d’œuvre, et impossible d’assurer le régime des eaux.

La valeur du bois est peut-être moins méconnue aujourd’hui ; il y a progrès sous ce rapport, mais pas assez. On a vécu si longtemps sous l’impression que l’arbre était un ennemi et la forêt une armée envahissante, que la réaction est bien difficile à faire. Hâtons-nous de faire l’éducation forestière de notre jeunesse, sinon se renouvellera partout la désolation des vieilles paroisses.

Mais voici une autre raison bien plus grave et qui nous permettra de toucher du doigt l’une des plaies dont souffrent l’agriculture et la colonisation. C’est que nous ne sommes pas préparés à faire fructifier ce sol si riche.


Le colon, jeune ou vieux, apporte avec lui les errements et l’ignorance de ses ancêtres en matière agricole, et les méthodes surannées en usage dans son canton. C’est souvent tout ce qu’il sait, et pour le mettre en pratique, il lui faut les larges espaces et l’énorme étendue du sol, dont le tiers ou la moitié pourrait suffire à ses besoins. Il lui faut travailler longtemps pour abattre les arbres, nettoyer le sol des souches, des pierres, et des broussailles qui poussent si rapidement ; et il demande à ce sol les mêmes moissons et de la même manière qu’autrefois. Sans doute, dès les premières années, grâce à la cendre des bois brûlés, et l’humus accumulé depuis tant de siècles, il peut toujours vivre, mais dans dix ans, quand il devrait pouvoir vendre des produits riches, variés et nombreux pour subvenir aux besoins d’une famille qui grandit, il est encore dans la situation d’un homme qui fait toujours de la terre neuve, et qui mourra avant de jouir du fruit de son travail.

Cette perspective si peu encourageante est bien connue de ceux qui s’essaient à faire de la colonisation, car il s’en fait de la colonisation dans la Province de Québec, mais elle se fait sans entrain et sans enthousiasme. Ceux qui en font ne tardent pas à voir tomber ce beau feu devant de si maigres résultats ; beaucoup se découragent, et finissent par émi-