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mémoires olympiques

talla sur l’horizon. Malheureusement s’il y avait un endroit au monde où l’on s’y montrât indifférent, c’était avant tout Paris…

Techniquement ces premiers Jeux Olympiques n’avaient rien eu de sensationnel. Les performances n’avaient, bien entendu, abattu aucun record ni dépassé les résultats attendus. Tout l’acquis, le nouveau de la chose résidaient dans le fait de la coopération des différents sports, mais cela était énorme car tout un avenir en découlerait. Quand je dis que rien de sensationnel ne s’était produit, il en faut excepter la course de Marathon. Issue de l’initiative d’un membre illustre de l’Institut de France, M. Michel Bréal, qui, dans son enthousiasme, m’avait écrit le lendemain du rétablissement des Olympiades qu’il donnait une Coupe pour cette épreuve, la course de Marathon dépassait les audaces de l’époque. C’était une distance énorme — entre 42 et 44 kilomètres — et propre à être jugée déraisonnable même par les techniciens. Nous avions hésité à créer une telle épreuve bien qu’elle fût dotée si glorieusement dès avant sa naissance, mais il n’était guère possible, le mot prononcé, d’éviter la chose. Les Grecs avaient peu de coureurs. Nul de nous ne pensait que le vainqueur serait l’un d’eux et surtout un « improvisé ». Spiridion Louys était un magnifique berger vêtu de la fustanelle populaire et étranger à toutes les pratiques de l’entraînement scientifique. Il se prépara par le jeûne et la prière et passa, dit-on, la dernière nuit devant les icônes parmi la clarté des cierges. Sa victoire fut magnifique de force et de simplicité. À l’entrée du stade où s’entassaient plus de soixante mille spectateurs il se présenta sans épuisement et quand les princes Constantin et Georges, par un geste spontané, le prirent