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histoire universelle

termes obligatoires vers lesquels tend toute féodalité. Ainsi les seigneurs du moyen âge se sont-ils attribué le droit de « guerre privée » et celui de « battre monnaie » et ont-ils frappé d’impôts grandissants non seulement le travail des cultivateurs fixés sur leurs terres mais le commerce des marchands qui y trafiquaient et jusqu’au simple passage sur leurs ponts ou leurs routes des hommes, des bêtes et des marchandises. Guerres incessantes, monnaies altérées, droits à payer, corvées à fournir, confiscations éventuelles, telles étaient les perspectives ordinaires de la vie populaire française vers la fin du xme siècle. La France était beaucoup plus atteinte que les autres pays de l’Europe. En Allemagne, en Angleterre, en Espagne même, la royauté possédait une autorité suffisante pour tenir en échec, au moins dans une certaine mesure, les seigneurs féodaux laïques ou ecclésiastiques. En France le souverain se trouvait plus faible que plusieurs de ses vassaux pris individuellement et exposé à rencontrer à tout moment la coalition des autres en travers de sa route. Si l’on ajoute à cela la misère affreuse qui désolait le pays que la famine et les épidémies avaient dévasté à maintes reprises[1] on se fera une juste idée de la tâche surhumaine qui s’offrit à Hugues Capet et à sa descendance. En trois siècles elle fut remplie. Il n’y a rien dans l’histoire de plus instructif et de plus passionnant à suivre que cette entreprise là. Toute la politique moderne en est issue. Les problèmes contemporains y trouvent leurs prémisses et les événements, leur origine.

Quatre acteurs : la royauté, la noblesse, le peuple, l’église. Examinons le rôle de chaque groupe ; c’est ainsi que les résultats seront le mieux mis en lumière.

De 987 à 1314 se succédèrent en lignée directe onze princes dont les portraits accusent une grande variété non seulement de type physique mais de tempérament et de caractère, dont pourtant la politique et les procédés de gouvernement dénotent une continuité de but et de pensée qu’aucune autre dynastie n’a su réaliser à pareil degré. Au début, pour s’implanter, il fallait avant tout se perpétuer. Hugues ne régna que dix ans (987-997)

  1. Les récits concordent. Ils sont épouvantables. Multiples sont les cas d’anthropophagie cités. Sur soixante-dix années, d’après Gebhardt, il y en eut quarante-huit pendant lesquelles les épidémies et la famine ne cessèrent pour ainsi dire pas.