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l’empire britannique

lui revenait point[1] ; ainsi se rompait le lien malheureux qui depuis cent vingt-trois ans tenait unis le Hanovre et l’Angleterre. Un règne s’inaugurait à Londres qui en allait durer soixante-trois (1837-1901) et dédommagerait largement le peuple anglais de la patience avec laquelle il avait supporté une lignée jusqu’alors si peu digne du pouvoir.

Vers le même temps se passaient au loin des faits importants auxquels la métropole n’accordait qu’une distraite attention. Le Canada, l’Australie, l’Afrique du sud — assises de l’empire futur — commençaient d’émerger dans la brume du matin. On ne les connaissait pas encore sous de tels noms. « Cape colony » et « New south Wales » étaient les termes employés pour désigner les communautés embryonnaires qui avaient pris naissance dans l’hémisphère austral. Quant au mot Canada, il ne s’appliquait plus qu’à une portion des territoires qui avaient constitué la Nouvelle-France et dont l’Angleterre avait, après 1763, opéré le démembrement administratif. Les « canadiens », c’étaient à proprement parler, les habitants de la province de Québec, français de race et catholiques — considérés par conséquent comme doublement ennemis du britannisme. Au début on avait escompté à Londres leur élimination rapide, aucune émigration française ne venant plus les renforcer. Mais ils s’étaient révélés si prolifiques et, d’autre part, si résistants à conserver leur langue et leur religion qu’il avait fallu composer avec eux. La métropole incitée d’ailleurs à la prudence par l’émancipation des États-Unis leur avait, dès 1791, concédé quelque autonomie. L’application toutefois en demeurait subordonnée au bon plaisir des gouverneurs, parfois intelligents et bienveillants, plus souvent sectaires et persécuteurs. Même après que le loyalisme des Canadiens se fut manifesté lors de la guerre de 1812[2], l’Angleterre leur demeura hostile : l’animosité de race persistait. Une insurrection finit par

  1. L’Électorat de Hanovre avait été érigé en royaume en 1814. Il devait subsister comme tel jusqu’à son annexion par la Prusse en 1866.
  2. Au cours de cette guerre dont il a été question plus haut, les Américains s’attaquèrent au Canada ne pouvant atteindre directement l’Angleterre faute d’une marine suffisante. Ils renouvelèrent trois fois leur attaque ; repoussés en 1812 ils furent plus heureux en 1813 et 1814 mais ne purent tirer profit de leur victoire, les Canadiens ne les ayant pas soutenus comme ils s’y attendaient.