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s’éprenait d’elle et il pouvait y avoir là une certaine compensation aux périls que comportait la perpétuelle menace turque. Or ce fut l’Afghanistan qui détruisit l’admirable édifice. Les Afghans, frères de race à l’origine mais n’ayant pu ni su progresser hors de leurs farouches montagnes, mésalliés du reste à maintes reprises et de sang maintenant assez composite, se révoltèrent contre les gouverneurs persans en fonction depuis qu’Abbas avait réannexé l’Afghanistan. En 1722 ils remportèrent une prestigieuse victoire qui les conduisit à Ispahan où leur entrée fut marquée par d’affreux massacres. Alors, empressés à profiter d’un héritage qui leur semblait s’ouvrir, les Ottomans d’un côté, les Russes de l’autre envahirent la Perse. Attaquée de la sorte au nord, à l’ouest et à l’est, quelle durable résistance pouvait-elle offrir ? Et pourtant elle eut un ultime sursaut de vaillance sous la conduite d’un brillant aventurier, Nadir Shah (1786-1747) lequel parvint à repousser la triple agression. Mais entraîné et grisé par ses victoires, plutôt que de s’employer à les consolider, Nadir Shah poussa jusqu’à l’Inde son épopée imprévue. Il entra triomphalement à Delhi. Les dernières forces de la Perse s’usèrent à cet effort insensé. Privée de son chef qu’un assassinat lui enleva bientôt, elle retomba dans l’anarchie. Une nouvelle horde turque occupa le territoire. Ispahan et Chiraz tombaient en décadence. Les envahisseurs prirent Téhéran pour capitale (1797). Sur le peuple épuisé et décimé s’étendirent dès lors l’incurie et la brutalité. La misère gagna de proche en proche et les monuments superbes commencèrent à crouler. La Perse s’effaçait. L’Europe y aida. En 1827 les Russes entrés à Tauris y dictèrent un humiliant traité. Plus tard, sous Nasser Eddine, Hérat ayant été repris aux Afghans, l’Angleterre intervint pour annuler le résultat de ce succès. Un jour vint même où Russes et Anglais se crurent autorisés à discuter du partage de la Perse. Palabres sans portée. On ne partage point la Perse. Car il suffit qu’une simple poignée de vrais Persans survive pour que subsistent autour d’eux l’image et l’attente de la résurrection obligatoire.

Et comme pour en mieux affirmer la possibilité, le babisme est né. L’exquise et junévile figure de celui qu’on appelait le Bab et qui, après six ans d’apostolat, paya de sa vie la tranquille audace de sa pensée (1849) se dresse maintenant dans une lumière grandissante au-dessus du siècle dont il fut méconnu ou ignoré.