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xiv
histoire universelle

par les ans et s’en allant à la dérive avec quelque branchage donnant prise au vent et servant de voile, cela est vraisemblable. La genèse de l’écriture telle qu’on la rapporte satisfait également. Les marques de couleur servant à reconnaître le bétail en auraient constitué l’embryon. À force de les tracer sur la peau du bœuf vivant et de les apercevoir sur la peau de l’animal mort, on se serait accoutumé à l’utilisation de ce parchemin naturel pour y fixer par des signes conventionnels le souvenir d’un évènement ou le détail d’un contrat.

On imagine moins aisément comment l’homme fut conduit à cuire de la terre ou à fondre du métal et, si certaines plantes tropicales ne présentaient de véritables toiles naturelles à fibres entrecroisées, le principe du tissage nous semblerait inaccessible à l’être primitif. Quant au levier et plus encore à la roue, ils ont dû jaillir d’un esprit avancé qu’éclairaient quelques lueurs de génie. La roue, plus encore que le cheval, facilita les grandes migrations en permettant d’entasser sur des chariots les enfants, les provisions et le butin. Faute de l’avoir connue, l’Amérique fut stagnante. La roue lui manqua plus que le cheval. L’homme voyage sans le cheval ; la famille ne voyage pas sans le chariot. C’est ainsi que des peuplades fort développées socialement et mentalement y vécurent dans le passé isolées et condamnées à l’étiolement.

ii


Tandis que, dans le vaste et un peu monotone domaine de la préhistoire, le labeur opiniâtre des spécialistes parvenait à éclairer de quelques lueurs les débuts enténébrés de l’humanité, l’histoire recevait soudainement de la géographie le puissant renfort qui a fait d’elle la première de toutes les sciences en importance et en efficacité éducatrice, celle dont va dépendre désormais en très large part le progrès politique et moral des sociétés.

Au début du xxme siècle, en effet, les géographes ont achevé de dresser l’inventaire du globe. Il ne reste plus maintenant à sa surface que des détails à vérifier ou à approfondir. Nous connaissons notre planète d’un pôle à un autre ; elle n’a plus de secrets pour nous. Ainsi qu’il arrive fréquemment, un fait si considérable a passé inaperçu. C’est en regardant en arrière que les générations suivantes en saisiront la valeur et en mesureront les conséquences. L’une de ces conséquences est d’avoir abattu les cloisons qui, en limitant le champ visuel de l’homme dans l’espace, égaraient aussi son jugement dans le temps ; si bien que les deux notions