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empires du sud : inde

de l’Iran. Maintenant leur action allait s’exercer également sur l’Inde car, dépossédés de la Bactriane, les princes grecs continuèrent de régner sur leur nouveau domaine hindou auquel s’ajoutait la portion orientale de l’Afghanistan. L’un d’eux, Ménandre (150-130) prit à cœur son double rôle de monarque hellénique et hindou. De sa capitale, Sangala près de Lahore, il étendit son pouvoir à l’est vers Patna où les débris de la puissance d’Asoka se trouvaient aux mains d’un usurpateur qui s’efforçait de se consolider en s’appuyant sur le brahmanisme et en persécutant le bouddhisme.

Ménandre ne pouvait hésiter entre deux religions dont l’une, grâce au système des castes était forcément xénophobe alors que l’autre, dépourvue de caractère national, se montrait accueillante à toutes les races. Ménandre s’érigea en protecteur du bouddhisme et il le fit avec tant de zèle qu’après sa mort l’Église bouddhiste le canonisa. Car elle avait maintenant des saints, cette Église si différemment orientée de ce qu’avait conçu son fondateur. Elle avait une liturgie, des dévotions spéciales, un paradis précisé, tout un ensemble d’articles de foi. Mais elle ne possédait point d’image de Çakia Mouni bien qu’elle l’eut déifié et identifié avec Bouddha. Comme on l’a justement remarqué, ni Allah ni Jahvé n’eurent de représentation tangible. Il était réservé aux artistes indo-grecs de faire franchir au bouddhisme ce pas redoutable en ciselant les premiers la classique figure qui allait se reproduire à l’infini et devenir populaire jusqu’aux extrémités de l’Asie. C’est qu’un foyer de culture et d’art de la plus grande activité existait en ces parages. Depuis le iie siècle av. J.-C., en Bactriane et dans la région de Caboul appelée alors Gandhara, travaillaient ces artistes dont les Pallas ou les bacchantes qui ornent les musées de Lahore et de Pechawar s’apparentent si clairement à leurs sœurs de Grèce. Or la production de ces ateliers ne fut pas limitée à la durée des royaumes indo-grecs. Après Ménandre, il est vrai, il devint visible que sa dynastie ne se soutiendrait pas. Un prince grec du nom d’Hermaios régna encore un quart de siècle puis, en l’an 30 av. J.-C. les Tokhares ou Yuetchi (on les appelle aussi parfois Indo-scythes) s’emparèrent du Penjab comme déjà ils s’étaient emparés de la Bactriane. Chose étrange ! Ils s’y comportèrent en continuateurs des Grecs. Peut-être demi Aryas d’origine, déjà affinés par le double contact de la civilisation chinoise et de la civilisation iranienne, ils s’étaient pénétrés en Bactriane de l’importance de l’héritage dont ils allaient se trouver investis. Leurs princes furent, pendant deux siècles,