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tous les peuples dans un principe d’égalité morale » travaillait comme le christianisme naissant dans un sens anti-romain. Ainsi se poursuivait le découronnement de Rome. Trajan essaya encore de lutter. Il s’indignait, raconte Pline, que l’on considérât Rome « non comme une patrie mais comme une hôtellerie ». Il n’y put rien. Il semblait impossible de la remettre debout moralement. Malgré le sang nouveau infusé par Vespasien, le sénat restait incapable et apathique. Rome ne s’intéressait qu’aux jeux sanglants du cirque et en voulait à Marc Aurèle d’en être l’adversaire. Son indigne fils Commode (180-193) qu’il eût la faiblesse d’imposer en place du candidat qu’on lui suggérait, donna sur ce point toute satisfaction à la populace mais ce fut au prix de la plus criminelle tyrannie. On vit alors que ceux qu’on appelle du nom de l’un d’eux, « les Antonins », à savoir les quatre empereurs Trajan, Adrien, Antonin et Marc Aurèle, n’avaient point su malgré tous leurs mérites, leur sagesse, leurs bonnes intentions utiliser la force qui leur venait de la confiance des provinces pour donner à l’empire une constitution robuste et saine. Ils avaient eu tout un siècle pour le tenter ; il leur eût suffi, parmi les rouages existants, de développer les assemblées provinciales ; bien des cités de l’empire avaient les leurs mais trop restreintes comme compétence et juridiction. Qu’on augmentât leurs attributions et c’était la santé générale, le coup de bistouri sauveur donné à l’abcès romain. Maintenant il allait être trop tard. Une modification redoutable venait de s’opérer. Trajan, de caractère assez belliqueux, avait été le dernier à opérer une conquête. Il s’était attaqué aux Daces qui menaçaient la frontière du Danube ; il les en avait chassé et occupant leur pays (Roumanie et Transylvanie actuelles) y avait transporté des colons latins, ancêtres directs des Roumains. Mis en goût, il avait voulu reculer aussi la frontière en orient mais y avait échoué. Sous Adrien et Antonin une sorte d’équilibre s’était maintenu puis le sablier s’était retourné. Marc Aurèle avait vu l’empire assailli au nord et à l’est par des hordes barbares qui pénétrèrent un moment jusqu’à Aquilée au fond du golfe de Trieste. Ces barbares n’en voulaient pas à l’empire ; ils l’admiraient ; ils prétendaient le servir mais Rome opposait à toute entente avec eux son formidable orgueil. Quelle que fut la profondeur de sa déchéance, elle se croyait supérieure au genre humain et en quelque sorte au-dessus des lois divines et humaines.

Après l’assassinat de Commode, deux empereurs furent élus à Rome et successivement assassinés au bout de quelques mois. Aux frontières les armées révoltées s’étaient donné des souverains