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rome

Tout était-il perdu ? Non car le dogme de l’unité romaine conservait son prestige et de fermes espoirs s’entretenaient encore autour de lui. On le vit bien lorsque la Gaule, pour échapper à l’anarchie, se donna un empereur de son choix, Posthumus, sans marquer le moindre dessein de transformer cette autonomie imposée par les circonstances en indépendance définitive. Presqu’au même instant, à l’autre bout de l’empire un arabe, Odénath, et après lui sa veuve Zénobie (267-272) tentèrent au contraire de se constituer autour de Palmyre — cité prestigieuse où le commerce avait accumulé des richesses inouïes — un royaume dont feraient partie la Mésopotamie et la Syrie. Ils n’y réussirent point.

Aurélien (270-275) par son énergie et ses talents rétablit à droite et à gauche le pouvoir impérial en même temps qu’il chassait d’Italie les barbares qui y avaient pénétré ; mais il sentait — et Probus (276-282) et Dioclétien (284-305) qui allaient venir après lui l’éprouveraient de même — la nécessité de diviser politiquement l’empire et au contraire de l’unifier intellectuellement : besogne presque contradictoire et d’une ampleur effrayante mais qui seule le rendrait gouvernable. Aurélien et Probus eurent à peine le temps d’y travailler ; Dioclétien s’y attela. On sait à quelle conception étrangement complexe s’arrêta ce fils d’un greffier de Dalmatie parvenu par chance et aussi par mérite au rang suprême. Il établit ce qu’on a appelé la tétrarchie. Deux « Augustes » dont l’un avait toutefois la préséance sur l’autre résidèrent à Nicomédie et à Milan. Deux « Césars » leur furent adjoints avec résidence à Trèves et à Sirmium (près Belgrade). Une manière d’adoption désignait les Césars pour devenir Augustes à leur tour.

Dioclétien ne s’en tint pas là. Il porta le chiffre des commandements provinciaux de cinquante-sept à quatre-vingt-seize, séparant d’ailleurs dans chaque province le gouvernement civil du gouvernement militaire, contrairement aux traditions antiques. De plus il institua douze diocèses ou groupements de plusieurs provinces avec un « vicaire » à la tête de chaque diocèse. Ces réformes furent complétées par une augmentation des effectifs militaires portés de trois cent cinquante mille à cinq cent mille hommes, par une révision du cadastre et par une unification du système fiscal. L’empire devenait ainsi une vaste bureaucratie cosmopolite où Rome ne compterait plus qu’honorairement et dans laquelle entraient une foule de demi-barbares. En haut tous ces rouages aboutissaient au despotisme de quatre souverains déifiés.

Sur quelle doctrine allait s’appuyer cette organisation ? À