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byzance

prohibitions, le commerce s’était développé grandement ; l’agriculture de même. Les finances étaient administrées avec méthode et probité. Aussi à la fin du règne de Basile II, les revenus de l’État dépassaient-ils trois milliards ; ce prince en mourant, laissa une réserve de plus d’un milliard.

Il laissa ce qui était plus précieux encore, une armée et une flotte redoutables. L’armée, lui et ses prédécesseurs l’avaient endurcie par un siècle de campagnes et de combats. C’est elle qui avait accompli, entr’autres exploits, ce raid incroyable de l’hiver 994-95 grâce auquel Alep sur le point de succomber avait été sauvée. Une quarantaine de mille hommes détachés des opérations contre les Bulgares avaient été lancés à travers l’Asie-mineure franchissant le Taurus comme jadis Alexandre et Cyrus. Tous étaient montés sur des mules rapides. L’énorme distance fut parcourue en seize jours. L’orient en resta frappé d’admiration et de crainte. Quant à la flotte, elle avait pour arme principale le fameux « feu grégeois » dont le secret jalousement gardé ne put jamais être connu des ennemis. Il semble évident, en comparant les nombreux textes qui font mention de ses effets effrayants que le « feu grégeois » devait être une combinaison de mélanges détonants et d’huiles inflammables. De longs tubes flexibles placés à la proue de chaque navire servaient à diriger le jet brûlant qui portait la terreur parmi les équipages adverses[1]. Les arsenaux byzantins étaient à même d’armer des quantités de ces navires. Lors de l’expédition de Crète en 960, on en mit en ligne plus de deux mille.

En regard de tant d’éléments de force, l’empire possédait deux sources principales de faiblesse. Une féodalité s’y développait. La terre s’agglomérait en domaines d’une immense étendue dont il était infaillible que les possesseurs ne finissent par s’ériger en princes quasi indépendants. En vain les empereurs multipliaient-ils les mesures pour la protection de la petite propriété, celle-ci tendait de plus en plus à disparaître. Par ailleurs dans cette monarchie ultra-centralisée, la valeur du chef unique devenait question de vie ou de mort. Supérieur, il pouvait tout ; inférieur à sa tâche, il perdait tout. Or voici qu’à cent cinquante années

  1. On a retrouvé quantité de « grenades » à main, petits récipients en terre cuite remplis de feu grégeois et que les fantassins jetaient en courant dans les lignes ennemies.