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elle qui, coalisée avec l’Autriche et l’Espagne, leur infligea cette grande défaite navale de Lépante (1571) dont on a pu dire qu’elle avait sauvé la chrétienté et lorsque en 1645, la Crète se trouva attaquée à son tour, les Vénitiens, avec l’aide de volontaires français et autres, tinrent pendant vingt années dans Candie : siège à jamais mémorable dont s’enthousiasma l’opinion européenne.

Dès lors Venise vécut sans espoir de rétablir sa puissance déchue. Elle vécut comme une grande dame noble entourée de ses souvenirs, drapée dans les restes de sa magnificence, fréquentée par de nombreux et illustres admirateurs et accoutumée à recevoir leurs hommages. Puis son énergie et sa dignité déclinèrent. Elle ne sut point mourir en beauté. Retrempée par les souffrances que lui fit éprouver le dur joug autrichien, après une vaine révolte en 1848, elle entra enfin dans le royaume d’Italie (1866) dont elle demeure un des plus beaux fleurons.

On ne saurait traiter de Venise sans mentionner ses rivales méditerranéennes et en premier lieu, Gênes. Indépendants dès le xe siècle, les Génois se donnèrent successivement comme gouvernants des consuls, des « podestats », des dictateurs (1257), des « protecteurs » qui administraient concurremment avec des tribuns appelés « abbés du peuple ». Finalement ils créèrent des doges (1339) comme Venise qu’ils s’efforçaient d’imiter. À deux reprises Gênes appartint à la France (en 1396 et en 1458) puis aux ducs de Milan, mais aucun régime n’y durait. Nobles et plébéiens ne cessaient de se pourfendre. Gênes n’en eut pas moins des flottes puissantes qui firent affluer dans son port de grandes richesses et par moments illustrèrent ses couleurs. Après une vaine lutte de quatorze années contre Venise (1257-1270), les Génois s’allièrent aux empereurs byzantins rentrés dans leur capitale. Ils en tirèrent de grands profits ; ils jouirent alors à Byzance d’une situation privilégiée. Ils eurent des entrepôts à Smyrne, à Ténédos, à Phocée, à Chios, à Lesbos, à Chypre et jusqu’à Caffa en Crimée. En 1350 et en 1376 ils s’attaquèrent de nouveau aux Vénitiens et faillirent les mettre à mal, mais leurs dissensions intestines amenèrent un prompt déclin de leur prospérité.

Pise — que son port ensablé écarte aujourd’hui du rivage — fut un moment une puissance maritime et commerciale redoutable. Elle détint la Corse (1092), la Sardaigne, les Baléares et même Palerme. Elle obtint à Byzance, à Antioche, à Tripoli des avantages pour son trafic. Il faudrait encore citer Naples, Gaète