Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome II, 1926.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
157
l’état pontifical

Grégoire Ier[1]. Descendant d’une illustre famille qui avait fourni des consuls et même des empereurs, Grégoire avait abandonné richesses et honneurs pour embrasser la vie monastique. En occident c’était encore une nouveauté. Les anachorètes et les cénobites d’orient étaient, au début, des individuels qui avaient fini par fonder des sortes de monastères et ces monastères à leur tour s’étaient unis donnant naissance aux premières congrégations religieuses. Ce n’est que vers 340 que l’exemple en avait été suivi en occident. Le premier couvent avait été créé près de Milan par l’évêque Ambroise. L’existence y était contemplative et attirait surtout les désenchantés qui réprouvaient la corruption grandissante du siècle. Ce fut une véritable révolution que la fondation de l’ordre des Bénédictins au mont Cassin en Italie (529) par le futur Saint Benoît. « Esprit net, volonté ferme, conscience pure, » Benoît considérait que « l’oisiveté est l’ennemie de l’âme » ; de ses moines il fit des travailleurs manuels réservant une portion de leur journée à la culture intellectuelle mais leur imposant d’en consacrer la plus grande partie à l’effort musculaire utile. En réaction salutaire contre un mysticisme énervant en même temps que contre l’immoralité laïque, restaurant le travail et l’honorant, donnant des règles austères et saines, l’ordre des Bénédictins provoqua une véritable rénovation morale et le nombre de ses adhérents s’accrut rapidement. Sorti de ce milieu et installé malgré lui sur le siège pontifical, Grégoire y apporta le triple prestige de la race, de la vertu et de l’intelligence. Souverain sans royaume, on peut comparer l’énorme influence qu’il exerça à celle dont devait jouir treize siècles plus tard, Léon XIII — et par là, réaliser à quel degré la papauté fut handicapée dans sa mission par l’adjonction d’un domaine temporel.

On sait comment il se forma. Effrayés par les progrès de la puissance lombarde, les papes firent appel aux Francs. Le nouveau roi des Francs Pépin le bref fut sacré à Saint-Denis près de Paris par Étienne II et en retour il donna au Saint Siège (755) les villes de Ravenne, d’Ancone et de Rimini… avec les territoires adjacents enlevés aux Lombards. Charlemagne en 774 y ajouta le duché de Spolète. Longtemps après, en 1115 la comtesse Mathilde de Toscane légua au Souverain pontife la Toscane, une partie de

  1. Les patriarches chefs des Églises métropolitaines portaient en général un prénom numéroté comme les souverain laïques. Ce n’était pas là un privilège réservé à celui de Rome. Quant au surnom de Pape impliquant une idée familière d’attachement filial, il ne fut pas non plus réservé au pontife romain au début. Ce ne fut le cas que vers le viime siècle environ.