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l’hellénisme

Sybaris, Crotone. Corfou (longtemps la mystérieuse Phéacie) devint grecque par les Ioniens et essaima à son tour. Les villes ainsi venues au monde en engendrèrent d’autres. Mégare en 728 créa une seconde Mégare vouée à bientôt disparaître mais non sans avoir, cent ans plus tard, créé Sélinonte. Syracuse fonda Himère et Géla, Agrigente (648 et 580). Le mouvement d’expansion, malgré les difficultés et les obstacles que lui opposait la concurrence phénicienne, s’étendit à la Gaule. Vers l’an 600 Marseille fut fondée et peu après Callipolis (Barcelone) puis proches de Marseille, Arles, Agde, Antibes, Nice, Monaco[1].

Ainsi, en l’an 600, le « monde grec » était formé et une prospérité incroyable s’y révélait déjà. On pense qu’au vme siècle, Crotone, Tarente, Agrigente, Syracuse comptèrent de cinquante à quatre vingt-mille habitants, plus qu’Athènes ou Corinthe n’en comptaient elles-mêmes. D’autre part la monnaie de Marseille faisait prime jusqu’en Étrurie et, par la vallée du Rhône, rayonnait jusqu’aux approches du Rhin. Quand à Milet, patrie des « aeinautes » (ou « marins perpétuels »), elle pouvait se parer du titre de reine des cités grecques ; de la mer d’Azof au Nil elle n’avait pas engendré moins de vingt quatre cités filiales ; deux lignes régulières de navigation partaient de son port, l’une vers la mer Noire et l’autre vers l’Égypte. Ces quelques faits soulignent ce qu’on peut appeler l’unité économique du monde grec. Son unité intellectuelle et morale n’était pas moindre. Là aussi certains faits sont instructifs à noter ; tel ce geste de Pisistrate faisant faire six copies officielles de l’œuvre d’Homère et envoyant d’Athènes l’une de ces copies à Marseille et l’autre à Sinope sur la mer Noire : telle encore cette anecdote racontée par Aristote d’un citoyen de Milet qui, prévoyant une surabondante récolte d’olives, accapara d’avance tous les pressoirs de la ville aux fins de les louer ensuite à des prix avantageux. Or ce citoyen si avisé — un peu trop — n’était autre que l’illustre astronome Thalès. Miltiade, Aristide, Thémistocle, ces grands serviteurs de l’intérêt public furent aussi des gens d’affaires. Tout Hellène était tourné vers le commerce ; le lettré était commerçant mais le commerçant était aussi lettré ou s’efforçait à l’être. Dans toutes les cités du littoral d’Asie mineure, le génie grec « s’était éveillé de bonne heure avec un éclat surprenant » ; dès la ixme Olympiade (742), on récitait à Syracuse les chants

  1. La part des Doriens dans cette œuvre si vaste de multiplication fut minime ; quelques factoreries en Cilicie, l’envoi en 707 de colons à Tarente, en 625 sous l’impulsion de l’oracle de Delphes, la fondation de Cyrène à laquelle le fait d’être relié par terre à l’Égypte devait assurer plus tard une grande importance ce fut à peu près tout.