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histoire universelle

préalable et en facilitant aux villes d’Italie l’accession au droit de cité. Ainsi le but que poursuivaient les coalisés se trouva partiellement atteint mais sans que la corruption romaine eût reçu la leçon qu’elle méritait. La crise intérieure qui depuis longtemps sévissait à Rome et qui mettait aux prises le sénat et les ploutocrates n’en fut pas interrompue. Ce n’est pas que les deux partis fussent séparés par une démarcation absolue — il y avait des ploutocrates de chaque côté — ni surtout par une sensible différence de niveau moral ; les scrupules n’abondaient ni à droite ni à gauche. La question des tribunaux avait provoqué le conflit. Qui aurait main-mise sur eux ? Le parti du sénat comprenait la noblesse fonctionnariste qui avait remplacé l’ancienne aristocratie patricienne et qui fournissait ces gouverneurs provinciaux dont les exactions et les méfaits allaient se multipliant chaque jour. Les ploutocrates eux, tenaient le réseau des grandes compagnies qui affermaient le recouvrement des impôts et autres services publics et pressuraient les populations avec une dureté et une iniquité grandissantes. Or les tribunaux devant lesquels les victimes de ces procédés portaient plainte se trouvaient composés de sénateurs. Les ploutocrates prétendaient y faire entrer leurs représentants afin de s’assurer l’impunité. Ils avaient fini par y réussir grâce au tribun Caïus Gracchus qui avait remplacé son frère le généreux et brillant Tiberius Gracchus, l’une des plus séduisantes figures de l’histoire romaine, mort victime de son zèle à résoudre la question sociale. Tiberius Gracchus (132 av. J.-C.) avait voulu, en reprenant l’œuvre de Cassius et de Licinius, l’approprier aux besoins du jour. Des haines forcenées s’étaient levées autour de lui et avaient eu raison de son talent et de son courage. Irrité par cet échec immérité et par le triste spectacle d’une société en décomposition, Caïus Gracchus se laissa entraîner à une politique plutôt démagogique. Par son initiative, pour faire opposition au sénat, les tribunaux furent livrés aux ploutocrates. Dès lors il n’y eut plus ni police ni lois ni magistrats capables d’enrayer le désordre et la discorde. La guerre de l’indépendance eut pu être une sorte de cran d’arrêt ; il n’en fut rien.

iii

Longtemps l’armée s’était maintenue à peu près intacte. Deux hommes, Marius et Sylla, la transformèrent, le premier en l’unifiant, en y appelant les prolétaires, ceux qui ne possédaient