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bon. On lui en a donné le qualificatif. Ce fut un souverain pitoyable, empanaché comme son père d’une fausse chevalerie. Le trésor continua à se vider et les monnaies d’être impudemment altérées si bien que la « livre tournois » alors en usage, au lieu de contenir pour 17 francs d’argent n’en contint plus que pour 1 fr. 75. Chacun sait comment Jean II affronta à Poitiers en 1357 l’armée anglaise conduite par le prince de Galles, fils d’Édouard iii, celui qu’on appelait le « prince noir » à cause de sa sombre armure. C’était un adversaire habile, brave et courtois. Il prévoyait peu sa victoire n’ayant sous ses ordres que quatorze mille Anglais en face de cinquante mille Français. Il envoya un message pacifique offrant des conditions avantageuses. Jean les repoussa fièrement et livra la bataille. Sa déroute fut complète et lui-même fait prisonnier et amené à Londres.

Ce dernier événement était un bienfait. Il délivrait la France d’un chef incapable et lui substituait comme régent son fils le futur Charles V. Le premier acte de celui-ci fut de rappeler les États-généraux. Philippe VI les avait laissés de côté pensant qu’il en serait gêné dans sa conception de la royauté mais Jean II — financièrement aux abois — avait dû en 1355 les convoquer pour essayer d’en tirer des subsides. Cette assemblée fut très importante ; par le nombre d’abord : huit cents délégués qui formèrent un comité de quatre-vingts pour délibérer en leur nom — par les opinions exprimées ensuite. Les États firent preuve d’un grand patriotisme et ne marchandèrent point l’argent nécessaire à la défense mais en exigeant de sérieuses réformes et un contrôle permanent[1]. Il n’y avait plus rien des hésitations et des timidités qui s’étaient manifestées cinquante ans plus tôt. Les institutions populaires capétiennes arrivaient à maturité mais elles ne trouvaient plus devant elles l’autre institution, l’institution royale destinée à leur faire contre-poids, à jouer le rôle de régulateur. Celle-là était dévoyée, désaxée. Il eut fallu là un des grands capétiens. Heureusement il en venait un : Charles V. Ce Valois allait être le dernier des Capétiens et l’un des plus grands. Mais il n’avait encore que vingt ans et cherchait sa route parmi les difficultés qui semblaient inextricables.

Déjà très en vue en 1357, Étienne Marcel, prévôt des mar-

  1. La « grande ordonnance » du 3 mars 1357 partageait en quelque sorte le gouvernement entre le roi et les États. Ceux-ci devenant un pouvoir permanent et régulier.