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la poussée franque et son échec

réussi à les entamer. Sans doute leur désordre s’est étendu partout mais sous ce désordre, à fleur de sol, les institutions, les instincts, la pensée, les formes même de la civilisation celto-romaine palpitent encore, prêtes à revivre.

Au moment où la faillite mérovingienne s’accentuait entraînant même celle de l’Église de Gaule que la corruption du pouvoir civil avait fini par gagner et qui rivalisait maintenant avec lui d’immoralité et de vénalité, une chance nouvelle s’offrait aux Francs de réparer le mal qu’ils avaient fait et de réédifier la Gaule sur des bases fermes et stables. Au sein d’une famille austrasienne quatre hommes allaient se succéder qui, ceux-là ne seraient pas des fainéants et dont les rudes ambitions ne s’embarrasseraient guère de vains scrupules : Pépin d’Héristal, Charles Martel, Pépin le bref, Charlemagne. Ils remplissent un siècle de l’histoire d’occident (714-814). En 714 Pépin d’Héristal réunit entre ses mains la « mairie du palais » d’Austrasie et celle de Neustrie. À vrai dire il était déjà en Austrasie plus qu’un maire du palais. Il s’était fait « duc des Francs » et tenait d’une main ferme les rênes d’un gouvernement fort embryonnaire mais où régnait quand même un peu d’ordre. Ni lui ni ses descendants pourtant ne devaient se montrer capables de se hausser jusqu’à l’idée de l’unité mais la providence se chargea miraculeusement — un peu aidée peut-être — de simplifier à chaque génération l’héritage. Les fils légitimes de Pépin moururent. Il restait un bâtard Charles surnommé Martel à cause des coups qu’il asséna à ses ennemis. Il en asséna, en effet, copieusement et de tous les côtés. Frisons, Bavarois, Saxons se virent refoulés et leurs pays dévastés. De chaque expédition on rapportait du butin, « des trésors et des femmes ». Charles Martel dotait largement ses compagnons d’armes faisant au besoin main basse à leur profit sur les biens d’Église. Du reste il ne se gênait pas pour déposer des évêques même les plus puissants (celui d’Auxerre avait fini par dominer toute la Bourgogne) et en nommer d’autres qu’il choisissait parfois parmi les laïques. En 720 les Arabes d’Espagne ayant franchi les Pyrénées s’emparèrent de Narbonne puis de Carcassonne. Peu à peu on les vit monter vers le nord comme s’ils voulaient rétablir pour eux-mêmes l’ancien royaume des