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la poussée franque et son échec

Ces décisions de 806 furent communiquées aux seigneurs laïques et ecclésiastiques lors d’une assemblée tenue à Thionville et il ne semble pas qu’aucune objection se soit élevée — pas plus du reste qu’on n’aperçoit chez Charlemagne trace d’une hésitation à dépecer son empire. Trois parts étaient faites ; dans l’une entraient la Neustrie, l’Austrasie, le nord de la Bourgogne, la Frise, la Saxe[1] et une partie de la Bavière ; dans l’autre, l’Italie, l’Istrie et le reste de la Bavière ; dans la troisième, l’Aquitaine, la Catalogne, le sud de la Bourgogne et de la Provence. C’était, si l’on peut dire, un partage transversal. Les suivants seraient verticaux. Trois ans après la mort de Charlemagne, en 817, à Worms, Louis dit le débonnaire, seul héritier par la disparition de ses frères, partageait à son tour entre ses trois fils, Lothaire, Louis et Charles. Mais, en face de leur père — vrai fantôme d’empereur — ·les princes qui ne s’entendaient pas se battirent. Louis dont on avait fixé le destin en terres germaniques et Charles à qui la Gaule occidentale avait été attribuée avaient entre eux Lothaire, l’aîné, héritier du titre impérial et qui se plaignait à juste titre du bizarre royaume qu’on lui avait taillé ; à peu près la Hollande et le nord de l’Italie reliées par la vallée du Rhône, l’Alsace et les terres qui devaient devenir la Lorraine (Lotharingie, domaine de Lothaire). Charles et Louis s’unirent contre leur frère pour le forcer à se contenter de ce patrimoine difficile à gouverner et impossible à défendre. Vainqueurs à Fontanet près d’Auxerre en 841, ils se prêtèrent à Strasbourg un serment célèbre que suivit le traité de Verdun (843). Lothaire cédait à la volonté de ses frères. Mais bientôt, devenu empereur à la mort de Louis le débonnaire (849), il prépara aussi la division de ses États entre ses fils, assurant à l’un l’Italie avec la possession d’un titre impérial désormais dépourvu de toute signification, à l’autre la Lorraine, à un troisième Lyon et la Provence. Aucun n’était satisfait ; ils se rencontrèrent à Orbe au pied du Jura et faillirent s’écharper.

Que restait-il dès lors de l’œuvre de Charlemagne ? Elle s’était écroulée plus vite encore que celle de Clovis. En fait il avait été à la fois roi de Gaule, de Germanie et d’Italie. Son conseiller Alcuin lui attribue cette triple qualité dans un de ses écrits. Mais Charlemagne n’en avait jamais eu conscience. Il

  1. La Saxe dont il s’agit — il ne faut pas l’oublier — n’avait aucun rapport avec la Saxe moderne. Elle était en bordure de la mer du Nord entre la Frise et l’Elbe.