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la formation de la germanie

discret la guerre devenue nécessaire. Le délai expiré, il mena l’attaque avec vigueur. Sage, avisé, patient, calculateur, c’était bien le chef qu’il fallait à ce temps et à ce milieu. Il savait au besoin recourir à un ingénieux despotisme. C’est ainsi que pour renforcer la population urbaine trop faible et mal répartie, il obligea au nom du bien public dont il avait le sens exact, un certain nombre de paysans propriétaires — un sur neuf — à venir habiter en ville et à y construire une maison. Mais ce qui attire principalement l’attention sur ce règne, c’est qu’Henri Ier ne fit entre ses enfants aucun partage, rompant ainsi avec la tradition barbare qui sévissait depuis cinq siècles et avait jeté bas toutes les entreprises des Francs. Il restaurait le sens romain de l’unité de l’État et préparait ainsi les voies à la grandeur germanique.

Son fils et successeur, Othon Ier montra la même conception du pouvoir. Il dépasse assurément Charlemagne. Tout en utilisant la mémoire de ce prince dans ce qu’elle pouvait avoir d’avantageux pour sa propre élévation, il n’éparpilla pas ses efforts en conquêtes démesurées. Sacré à Aix-la-Chapelle, il se préoccupa avant tout de bien asseoir son autorité, ne craignant pas d’entrer en lutte au besoin avec sa propre famille au lieu de la servir au détriment de l’État comme avaient fait la plupart des rois barbares. Puis il se tourna vers la Bohème qui des Celtes avait jadis passé aux Germains et était maintenant aux mains des Tchèques. Il l’obligea à reconnaître sa suzeraineté (950). Ensuite il arrêta définitivement les progrès des Magyars, repoussa les Slaves et, libre enfin de regarder du côté de l’Italie, s’occupa de conquérir la double couronne qu’il convoitait. En 961 il était couronné à Pavie roi d’Italie et le 2 Février 962 empereur à Rome. Son prestige y avait suffi. L’armée allemande campait sur le Monte Mario. Le matin de la cérémonie, il dit à un de ses fidèles : « Aujourd’hui quand je m’agenouillerai devant le tombeau de St-Pierre, veille à tenir ton épée levée au-dessus de ma tête. Tu auras le temps de prier quand nous serons de retour au camp. » L’incident dépeint bien le caractère du nouveau césar toujours prudent autant qu’énergique. Othon prit soin de « confirmer les donations précédentes » faites au Saint-siège mais il imposa en retour la nécessité d’une reconnaissance impériale pour valider les élections pontificales. Cette fois Rome s’était donné un maître. Elle voulut à deux reprises secouer son joug. Il lui enleva l’envie de recommencer. Sa poigne était dure. Quand il mourut, le Saint-empire était fait.