Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
le partage de la pologne

collectif et des aspirations nationales. C’était déjà la cellule rénovatrice de l’Allemagne.

Sitôt roi, Frédéric II considéra qu’il avait besoin de la Silésie « riche pays, peuplé de douze cent mille habitants tchèques d’origine mais à demi-germanisés, où les protestants assez nombreux l’appelaient par leurs vœux secrets ». Il indigna Marie-Thérèse en lui offrant d’acheter cette province et sur son refus s’en empara gratis. L’Autriche n’avait que des troupes insuffisantes et était endettée. Marie-Thérèse fit appel à la France. Ce fut en vain. Louis XV crut habile de s’allier à Frédéric.

L’Europe traversait alors une phase singulière. On eût dit que la personnalité des peuples s’était évanouie, effacée comme en un crépuscule général tandis que les souverains, entre eux, jouaient aux échecs. Ils avançaient ou retiraient leurs troupes, occupant ou évacuant des territoires, cherchant des combinaisons propres à faire réussir quelque coup avantageux. On « renversait les alliances », on échangeait des provinces ou des couronnes, on concluait des traités dictés par l’intérêt personnel des princes. Un monarque français sachant mal l’espagnol régnait à Madrid et un monarque allemand ne parlant pas l’anglais, régnait à Londres. Pour le mariage manqué du roi de France avec une infante, pour assurer en Italie le trône des Deux Siciles au fils cadet du roi d’Espagne, parce que des aventuriers devenus ministres, Alberoni et Dubois, prétendaient recevoir la pourpre cardinalice, parce que le roi d’Angleterre était en même temps Électeur de Hanovre, parce que Stanislas Leczinski roi de Pologne avait été renversé et que « la reine de France ne pouvait pas être la fille d’un simple particulier » pour ces motifs ou d’autres similaires, la guerre menaçait d’éclater ou éclatait réellement. De ces faiblesses et de ces folies, Frédéric II tira une bonne part de ses succès. Au milieu d’une autre Europe, il eût sans doute moins bien réussi malgré ses talents et son énergie. Mais seul il était vraiment identifié à ses sujets, sa sécurité, ses

    de Brandebourg qui s’intitulait roi de Prusse, alors que la Prusse, domaine d’un peuple disparu depuis longtemps, ne représentait qu’une faible partie de ses États ; l’autre, le duc de Savoie qui depuis 1720 était « roi de Sardaigne » bien que régnant de fait en Piémont.