Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
histoire universelle

Ces effervescences, si l’on peut ainsi dire, se manifestaient selon les règles. Il n’y avait là rien que de normal ; c’était l’éternel conflit entre gouvernants et gouvernés. Tout autre était le fait d’un groupe ethnique « porté comme disparu » et reparaissant soudain pour revendiquer son droit de vivre. Un tel phénomène n’était-il pas contraire à l’ordre établi ? La théorie bossuetique de la « succession des empires » et le dogme de la « légitimité » qui en était issu se trouvaient ébranlés par cette affirmation révolutionnaire de la survivance des races. De toutes les puissances, la plus atteinte était l’Autriche. Mosaïque de peuples divers, que deviendrait-elle si chacun de ces peuples venait réclamer à son tour l’indépendance ou seulement l’autonomie ? L’influence autrichienne dominait maintenant dans la sainte alliance. Ce n’étaient plus les pieuses rêveries du tsar mais bien les calculs secs et précis du chancelier Metternich qui l’emportaient dans les conseils de l’Europe. Infatué de lui-même, Metternich s’attribuait le rôle de gendarme providentiel et jugeait que de sa ténacité dépendait le salut du monde. Comme le caporal légendaire, il ne voulait plus entendre « remuer un œil ». Aussi s’employa-t-il à obtenir que les délégués hellènes envoyés à Vérone fussent éconduits. Le congrès refusa de les entendre.

L’opinion occidentale pourtant, commençait à devenir attentive. Fort ignorante de l’état du monde balkanique, elle s’imaginait en général la péninsule occupée par de vagues débris d’anciennes populations autochtones destinées à perdre ce qui leur restait encore de leurs passés respectifs mais ayant conservé la religion chrétienne et ayant droit à ce titre à quelque protection encore qu’il s’agit d’un christianisme entaché de superstition aux yeux des protestants et tenu par les catholiques pour schismatique. Du sein de cette opinion ne tarda pas à se détacher une petite élite plus avertie des choses de l’orient. Lord Byron, Chateaubriand et d’autres moins illustres qui avaient visité ces régions en pouvaient parler en connaissance de cause. Bientôt d’ailleurs, les exploits des Hellènes fournirent le meilleur des aliments à l’enthousiasme de leurs partisans.

En réalité ce n’était pas seulement le sort de la Grèce qui était en jeu mais aussi celui des Serbes, des Bulgares, des Roumains. Comme nous l’avons déjà vu, le joug ottoman s’était