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napoléon iii ; l’europe nouvelle

somme plutôt simple. Le sort dressa sur sa route trois personnalités plus fortes que la sienne : Cavour, Bismarck et Pie IX. Il se perdit en voulant se servir d’elles. Rien, en tous cas, ne rappelle chez lui l’oncle dont il se réclamait et dont, aussi bien, on prétend que le sang familial ne coulait pas dans ses veines. Il crut le continuer en restaurant son œuvre. Entre les institutions le rapprochement fut de pure forme. Si l’on compare, éphémères toutes deux, les constructions impériales de 1804 et de 1852, on constate que la première fut cimentée avec du passé rénové et la seconde, avec de l’avenir entrevu.

En accédant non sans peine au pouvoir suprême, le premier Bonaparte s’était trouvé devant une situation difficile et incertaine. Le second au contraire y fut porté par une insurrection sans racines dont la secousse avait laissé intactes les immenses réserves de forces accumulées depuis trente-trois ans (1815-1848) par la monarchie constitutionnelle. Forces de tout ordre : forces nerveuses d’abord et dont l’action sociologique, malgré qu’on la perde généralement de vue, n’est pas moins importante à considérer que l’action physiologique individuelle. Rien ne vaut pour un peuple une longue période de travail suivi, sans heurts graves comme sans somnolence déprimante. Sous les règnes de Louis XVIII (1815-1824), de Charles X (1824-1830) et de Louis-Philippe (1830-1848) la France avait ainsi vécu. En vain les turbulences parisiennes consécutives à l’escamotage de 1830[1] avaient-elles provoqué des répliques dans quelques grandes villes de province, la nation s’était vite ressaisie et était retournée à son labeur ordonné.

Forces économiques ensuite ; il y avait eu perfectionnement et enrichissement dans toutes les directions ; on avait tracé vingt neuf mille kilomètres de bonnes routes et creusé trois

  1. Louis-Philippe fut proclamé « roi des Français » par quelques deux cents députés appartenant à une Chambre dissoute ; ils représentaient à peine cent mille électeurs dont aucun ne leur avait donné mandat d’opérer un changement de dynastie ; la France dans son ensemble y était certainement opposée. L’émeute parisienne de 1830 fut alimentée par la pédanterie des « doctrinaires » et les excitations intéressées de certains arrivistes. Les ordonnances royales qui y servirent de prétexte étaient d’une légalité très discutable mais n’avaient rien d’un coup d’État. Le changement de règne coûta à la France les provinces belges dont le prince de Polignac, ministre de Charles X, était en train de préparer l’annexion.