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alors refusé le sceptre impérial[1] était un féodal piétiste, agité et têtu. En face de lui le jeune empereur d’Autriche, François-Joseph Ier devant lequel s’ouvrait un si long règne (1848-1916) semblait bien ne « représenter que des négatives ». Étaient-ce là des chefs ? Sur quel sol bâtir d’ailleurs et en quel style ? La confédération germanique reconstituée à Vienne en 1815 comprenait trente cinq royaumes ou principautés et quatre villes libres ; la tendance dominante dans la plupart de ces États était réactionnaire ; on s’y montrait hostile aux « idées modernes » ; par là il convient d’entendre les doctrines françaises de 1789 et le pseudo-libéralisme qui en était issu. Mais un autre démocratisme naissait et se propageait sans qu’on y prit garde ; et celui-là était basé non sur des principes mais sur des intérêts et des faits. Esquissée dès 1828, l’union douanière, le Zollverein avait gagné de proche en proche en Allemagne, engendrant partout une activité féconde. La prospérité matérielle grandissait. D’autre part les sociétés de gymnastique, malgré les persécutions dont elles avaient été l’objet s’étaient multipliées et par elles, s’implantaient le goût et l’habitude de la force disciplinant l’individu pour le bien de la collectivité. C’est à peine si aujourd’hui l’on commence à concevoir rétrospectivement la portée du mouvement gymnique allemand et la part qui revient au Turnerbund dans la création de l’unité nationale. À quoi s’ajoutait l’enseignement réaliste donné dans les universités. À l’heure où disparaissaient Beethoven et Gœthe, Hegel avait commencé de professer à Berlin. Les applications de la science enthousiasmaient la jeunesse qui s’accoutumait au culte simultané de l’art et de la chimie et modelait ses aspirations futuristes sur cette alliance inattendue.

Otto de Bismarck appelé en 1862 aux affaires par le nouveau roi de Prusse, Guillaume Ier ne regardait pas si loin. Mais il était prêt à utiliser les occasions ou les instruments qui s’offraient pour atteindre son but lequel consistait à soumettre l’Allemagne à la Prusse et à faire ainsi de sa patrie l’arbitre de l’Europe. Pour quoi il fallait achever d’évincer l’Autriche. Affaiblie par ses récentes défaites en Italie, cette puissance se trouvait aux prises avec de grandes difficultés intérieures. Mosaïque de peuples qui la pressuraient pour lui arracher la reconnaissance

  1. Le parlement de Francfort qui le lui avait offert était une assemblée irrégulière car c’étaient cinquante et un membres du parti libéral qui, réunis à Heidelberg, en avaient décidé la convocation, mais il incarnait bien l’esprit national de l’Allemagne nouvelle.