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histoire universelle

patrie s’appliquait d’ailleurs à restreindre tout négoce[1]. Point de vie intellectuelle car en dehors de la religion il n’était guère de sujets sur quoi discourir. Mais presque partout, sauf en Virginie, fonctionnaient des institutions municipales, cellules inconscientes de la république future : le town meeting, l’école la milice. Ainsi se formait un civisme égalitaire dont il n’existait encore d’exemplaire sur aucun point du globe[2]. Les débats au sujet de l’administration de la commune manquaient bien d’envergure et l’enseignement donné à l’école était encore rudimentaire. La milice au contraire, sans cesse tenue en haleine par les escarmouches avec les indigènes, avait progressé rapidement. Tout citoyen de seize à soixante ans en faisait partie. De la sorte purent se former avec une sûreté et une célérité remarquables des armées qui, non contentes d’opposer à l’adversaire une résistance efficace, passèrent à des offensives énergiques. La principale, en 1744, fut dirigée contre Louisbourg, la forteresse réputée imprenable que les Français avaient élevée dans l’île du cap Breton. Des contingents de presque toutes les colonies y prirent part sous le commandement d’un riche marchand, officier de la milice qui se montra capable d’alterner de façon opportune la hardiesse et la prudence. Louisbourg capitula. Les Anglais s’en attribuèrent l’honneur bien que n’y ayant eu presqu’aucune part. Leurs officiers s’entendaient fort mal à cette guerre conduite en dehors des règles admises. Ils se moquaient des coloniaux et, les critiquant sans cesse, s’irritaient de leurs succès. En 1755 il advint que le général anglais Braddock, s’étant jeté dans une embuscade près du fort Duquesne[3], ce fut Washington qui, à la tête des Virginiens, assura et couvrit la retraite. Presqu’en même temps l’américain

  1. L’« acte de navigation » de 1651 n’autorisait les exportations que sur des navires anglais. En 1660 cette clause fut étendue aux importations. Puis il fut interdit aux colonies de se vendre l’une à l’autre des produits du sol ou de l’industrie. Un produit du Massachusetts acheté par Rhode Island dut passer par l’Angleterre pour aller d’une de ces colonies à l’autre bien qu’elles fussent voisines. Taxes, amendes, confiscations, restrictions de tout genre se multiplièrent. En 1750 on alla jusqu’à ordonner la destruction des forges, hauts-fourneaux, aciéries avec défense d’en établir d’autres. En somme on interdisait aux coloniaux de rien fabriquer et on voulait les obliger à tout acheter en Angleterre.
  2. Les principes égalitaires ne s’établirent pas toujours sans lutte. Parmi les premiers colons il y avait plus d’un partisan des distinctions aristocratiques et ils s’efforcèrent à diverses reprises de les remettre en vigueur mais la force des choses l’emporta.
  3. Le fort Duquesne fut ultérieurement pris et détruit et sur ses ruines fut fondée la ville de Pittsburg.