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histoire universelle

« capitaines-généraux » administraient d’immenses régions réparties en districts. Dans chaque district résidait un fonctionnaire royal qui portait le titre de « protecteur des Indiens »[1] et surveillait les groupements formés par ceux-ci et à la tête desquels étaient restés des caciques le plus souvent héréditaires.

Malheureusement l’Espagne n’était pas assez riche pour mener à bien la tâche entreprise par ses fils. Au début on les avait laissés libres de trafiquer puis sous Charles-Quint, le système du monopole s’était implanté. Non seulement les produits du nouveau monde durent passer par l’Espagne pour s’écouler en Europe mais l’Espagne prétendit suffire aux demandes croissantes de ses colonies. En 1555 il y eut à Séville seize mille métiers en activité et cent trente mille ouvriers au travail. Cela ne dura guère. Sous Philippe III le nombre des métiers était tombé à quatre cents et comme on se cramponnait au mauvais principe du monopole, il fallait acheter à la France, à l’Angleterre, aux Pays-bas, à l’Italie ce qu’on voulait revendre aux Américains.

L’échec de pareilles tentatives rendit plus âpre la poursuite des richesses directement extraites du sol du nouveau monde. Aux mines exploitées par les Incas et dont l’exploitation avait été continuée s’ajoutaient celles récemment découvertes. Dans ces mines qui travaillerait ? L’indigène pas plus que l’espagnol n’aimait le travail manuel. On voulut le contraindre. Il y périt. On commença d’introduire des esclaves noirs importés d’Afrique sans pour cela renoncer à employer de force la main d’œuvre locale. Cet état de choses empira de deux façons. D’abord par la surabondance du personnel ecclésiastique. Les indigènes étaient aisés à convertir : il n’y aurait pas eu besoin de beaucoup de convertisseurs ; il en vint indéfiniment. En 1644 six mille ecclésiastiques sans bénéfices formaient une sorte de prolétariat clérical. En 1649 on comptait trente huit archevêques et évêques et huit cent quarante couvents pourvus de grandes richesses. Le bas clergé dépravé, oppresseur des indigènes échappait au haut clergé généralement respectable mais intolérant et assoupi tout à la fois. Une seconde source de déchéance provenait de l’aristocratie ploutocrate qui s’était rapidement formée. Malgré

  1. Ce titre n’était pas une ironie. Les rois d’Espagne ne cessèrent d’édicter des mesures préservatrices. Une série de lois ordonnaient de laisser les indigènes libres. Il était interdit de leur vendre des armes ou des spiritueux, de les employer au portage avant dix-huit ans, etc., mais l’autorité centrale était trop loin pour se faire obéir.