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les républiques sud-américaines

organisa à la Jamaïque une expédition qui pénétra par l’Orénoque. D’Angostura, son quartier général, Bolivar tint la campagne avec une sombre énergie. Les llaneros, ces bouviers de la pampa, cavaliers incomparables et combattants farouches d’abord enrôlés par les royalistes, leur avaient maintenant faussé compagnie et se rangeaient sous les drapeaux du « libérateur ». Alors, tandis que le congrès de Tucuman proclamait l’indépendance des « provinces-unies du rio de la Plata », deux hauts faits furent accomplis que nul manuel d’histoire n’a le droit de passer sous silence. En janvier 1817, avec une audace magnifique, le général San Martin parti de Mendoza à la tête de quelques trois mille cinq cents hommes, franchit les Andes par le col d’Uspalata (haut de quatre mille mètres), descendit vers le Pacifique et ayant défait les royalistes, entra à Santiago et assura l’indépendance du Chili. Dix-huit mois plus tard, Bolivar après avoir consolidé sa situation, se dirigea à son tour à marches forcées d’Angostura vers la Nouvelle-Grenade et, ayant accompli en pleine saison des pluies la traversée terrible des montagnes, s’empara de Bogota.

Il fallait maintenant conquérir le Pérou. À Lima les soldats du vice-roi résistaient. Ils espéraient des renforts d’Espagne. Mais les vingt mille hommes réunis par Ferdinand VII s’étant mutinés marchèrent sur Madrid au lieu de s’embarquer pour l’Amérique (1820). San Martin aidé par l’amiral anglais Cochrane passé au service du Chili s’empara enfin de Lima (1821). Cette même année Bolivar réoccupa Caracas et Carthagène. Le Vénézuela et la Nouvelle-Grenade avaient été unis sous le nom de république de Colombie. Le nouveau gouvernement fut aussitôt reconnu par les États-Unis et signa des traités avec le Chili, le Pérou, le Mexique et la Plata. Et ce fut la fin. Le 6 décembre 1824 les dernières troupes espagnoles furent mises en déroute dans la plaine d’Ayacucho entre Cuzco et Lima. L’Espagne trouvait son Waterloo en ces lieux où, trois siècles plus tôt, s’était abattu sous ses coups l’empire des Incas.

Pendant cette période comme pendant la précédente, l’Amérique portugaise avait eu des destins différents de ceux de l’Amérique espagnole. La maison de Bragance, fuyant devant l’ouragan napoléonien avait débarqué au Brésil en 1808 et, de ce fait, le Brésil était devenu une monarchie indépendante. Il avait bien fallu se décider alors à supprimer les entraves de tout genre qui empêchaient le pays de se développer matériellement et intellectuellement, ouvrir les ports, permettre les défrichements, les industries, les spéculations. Jamais ne fut plus apparente la