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guillaume ii et la république française

plus que suffisantes aux yeux de l’Allemagne, de l’Angleterre et même de l’autocratique Russie.

Peu de temps après l’élection du président Carnot, l’empereur Guillaume Ier avait disparu (1888). Son fils Frédéric III déjà moribond l’avait bientôt rejoint dans la tombe et Guillaume II, impatient du pouvoir, s’en était avidement saisi. Conservant envers le prince de Bismarck une déférence toute extérieure, il n’avait pas tardé à l’acculer à la retraite et aussitôt s’était employé à neutraliser ce qu’il y avait de défectueux dans l’œuvre de ce dernier. Réformer la constitution de l’empire, on n’y pouvait songer tant était complexe le réseau des institutions qui en composaient l’armature. Les pouvoirs de l’empereur, du roi de Prusse, du chancelier, du Reichstag, du Bundesrath demeureraient savamment emmêlés. Du reste Guillaume II eût été imprudent de porter la main sur ces rouages. Il n’était pas de taille à les reconstituer après les avoir détruits. Au contraire il lui serait aisé d’y verser de l’huile pour les faire mieux fonctionner. Bismarck avait dès 1872 déclaré la guerre aux catholiques et conduit contre eux de maladroites offensives. Dans cette lutte il avait été vaincu et avait dû battre en retraite ; au Vatican on en gardait rancune malgré le succès final. Ensuite était venu le tour des ouvriers. On les avait jetés vers le socialisme en bafouant leurs aspirations intellectuelles et progressistes et en leur montrant qu’on ne prenait intérêt qu’à leur capacité de producteurs. Et, comme socialistes, on les avait persécutés avec le seul résultat d’ailleurs de faire passer en neuf ans leurs effectifs électoraux de trois cent mille à quinze cent mille. Guillaume II orienta son action de façon à effacer le souvenir de ces différends. Il le fit habilement mais tout de suite se marqua un trait un peu enfantin de son caractère : l’impatience à recueillir de chaque geste un fruit immédiat. On en a souvent conclu qu’il manquait de suite dans les idées et avait un tempérament d’impulsif. Ce n’est point exact. L’empereur savait réfléchir et calculer ; d’autre part, il s’est souvent montré capable de persévérance notamment dans la création de la marine allemande et l’organisation du Drang nach Osten, cette lente conquête de l’orient par le commerce et le chemin de fer ; mais c’est qu’en pareille matière précisément, des résultats tangibles et féconds se dessinèrent dès le début et que de telles initiatives répondaient aux besoins