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à vous y tenir décemment ». La série des pontifes qui se succèdent depuis trente ans ne fait, dirait-on, que précipiter la ruine d’une institution condamnée. Sixte IV, mort en 1484, inaugure des défaillances nouvelles. Il a un fils qui intrigue pour s’assurer d’avance la tiare. Innocent VIII (1484-1492) a aussi un fils. Celui-là, pendant l’agonie de son père, enlève le trésor de l’Église et s’enfuit avec. Puis vient Rodrigo Borgia, Alexandre VI (1492-1503) qui a sept ou huit enfants dont le fameux César et sa sœur Lucrèce fauteurs de crimes et de scandales indéfinis. C’est ensuite Jules II (1503-1513) toujours en guerre, à cheval et armé, batailleur incorrigible et voici pour finir Léon X (1513-1521) amateur de théâtre et de fêtes païennes qui anxieux d’achever la construction de la basilique de Saint-Pierre vend tranquillement les indulgences. On en a vu bien d’autres. En Italie nul ne se fâche plus. Mais en Europe de tels faits n’étaient pas connus ou pas admis. On ne voulait pas y croire. Le prestige pontifical est encore grand. Or Luther venu pour chercher un réconfort de conscience a vu et constaté. La colère sainte désormais gronde en lui. La Réforme est faite en germe. Elle sera sécessionniste car il n’y a plus de collaboration possible avec l’« évêque de Rome ». Elle sera dogmatique car Luther est emporté par son tempérament en un élan direct et irrésistible vers Dieu. Sera-t-elle sociale ? Il n’a ni le temps ni le goût d’y songer. Ce sont les événements qui en décideront.

Le 31 octobre 1517, Luther a affiché à la porte de l’église de Wittenberg les « thèses » subversives. Le 20 décembre 1520, il brûle la bulle pontificale qui le condamne. La diète de Worms se prononçant contre lui, ses partisans le mettent à l’abri à la Wartburg où il s’emploie à traduire la bible : traduction de génie qui donne à la langue allemande sa forme définitive. Ni l’empereur Charles-Quint ni le pape ne s’inquiètent de tout cela. Léon X se moque de « frère Martin », de sa révolte et de ses menaces. Mais en Allemagne, l’antipapisme se répand. C’est une idée simpliste. Elle s’empare du peuple qui tend à croire que la séparation d’avec cette Rome criminelle et vicieuse suffira à « ramener Dieu ». Alors par sa protection règneront la paix et l’abondance. Des émeutes populaires, des désordres d’étudiants se produisent provoquant des répressions locales souvent sanglantes. Quantité de sectes naissent professant un « amalgame singulier d’instincts rétrogrades et d’aspirations hardies ». Tels les « anabaptistes » qui s’emparent de la ville du Munster et y domineront plus d’une année. Avant cela les « chevaliers » ont