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clergé, en général, lui fait confiance. Dès avant sa conversion, quelques prélats et bien des prêtres étaient de son parti. Par contre, la noblesse est en majorité boudeuse et frondeuse et, dans la bourgeoisie des villes, il y a pas mal de ces adeptes du fanatisme lettré qui est encore celui de la Sorbonne. Quant aux protestants, on les dirait passablement détachés de l’idée nationale. Beaucoup songent à une sorte de république immatérielle superposée à la patrie territoriale et qui aurait ses foyers à Amsterdam et à Genève.

Peut-être l’expérience de Rouen décourage-t-elle le roi. On dirait que ce coup de sonde ne l’a pas satisfait et que dès lors, renonçant à s’appuyer sur les États-généraux, il se résigne à gouverner seul avec des conseillers choisis. S’il en est ainsi — et toute la suite prête à le croire — c’est un tournant décisif ; c’est un malheur aussi et une faute à mettre en parallèle avec la confirmation de la vénalité des charges de justice dont chaque titulaire moyennant un impôt considérable pourra disposer désormais en faveur de son héritier.

Henri IV heureusement est plus persévérant et patient en matière religieuse. Le difficile n’est point en effet de rédiger le texte du fameux édit de Nantes (1598) encore que ce texte soit admirablement raisonnable et sage mais bien de le faire accepter. Le pape le qualifie d’acte impie ; les protestants malgré les avantages considérables qui leur sont faits regimbent au point de faire regretter au roi que l’unité de foi soit détruite. Ce n’en est pas moins l’avenir libéral qui se trouve contenu dans cet édit dont un retour d’intolérance pourra faire abroger mais non oublier les dispositions. C’est le point de départ de la séparation de l’Église et de l’État, doctrine sur laquelle s’appuiera l’évolution moderne.

Même persévérance et même patience — même opportunisme aussi — en politique extérieure. Partout Henri IV s’applique à maintenir la paix par l’équilibre : en Italie où, allié de Venise et de Florence, il s’en sert pour faire contrepoids aux deux centres d’influence espagnole Milan et Naples — en Suisse où il protège Genève contre les ambitions du duc de Savoie et les Grisons contre les entreprises du gouverneur du Milanais — en Angleterre où il vise à garder tout en la surveillant de près une amitié en laquelle il n’a guère confiance — en Hollande où il cherche à prolonger les trêves consenties par l’Espagne sentant bien que le temps y travaille pour l’indépendance — en orient enfin où il s’arrange pour développer le prestige et servir les intérêts fran-