fut de nouveau mêlée aux affaires continentales et s’y épuisa ; enfin l’Angleterre s’échappa et pour toujours.
Lorsqu’après leur mariage célébré à Winchester, Marie et Philippe avaient fait leur entrée à Londres, il n’eut fallu à ce dernier qu’un peu de souplesse pour s’imposer à ses nouveaux sujets. Ceux-ci étaient assoiffés de paix religieuse ; les sévérités du règne précédent les avaient irrités. Ils s’attendaient à une réaction dans le sens catholique et n’y répugnaient point pourvu que cette réaction ne s’accompagnât pas de nouvelles persécutions et qu’une réconciliation hâtive et complète avec Rome ne revêtit pas le caractère d’un acte de contrition pénible à l’orgueil national. Philippe avait auprès d’eux un grand prestige tant par l’éclat de son rang qu’en raison de son énorme fortune. C’était chose rare alors — rare en tous temps du reste — qu’un souverain assez riche pour pouvoir se passer au besoin de lever des taxes. Les premiers convois d’or américain plaçaient momentanément Philippe dans cette heureuse situation. Quelle aubaine pour sa politique ! Mais l’Angleterre très vite lui avait déplu et il y avait froissé tout le monde par sa morgue dédaigneuse. Il s’écarta maladroitement de sa femme fort éprise de lui et regagna l’Espagne. Quand Marie mourut prématurément en 1558, le trône d’Angleterre se trouva perdu pour Philippe et passa sans conteste à la demi-sœur de la défunte, Élisabeth fille d’Henri VIII et d’Anne de Boleyn.
C’est là peut-être, le tournant le plus important de l’histoire d’Angleterre, celui où se fixèrent définitivement les destins britanniques. Non que la singulière et peu sympathique princesse devant laquelle s’ouvrait un règne de quarante-cinq années (1558-1603) ait marqué par l’esprit d’initiative et la suite dans les desseins mais parce que, intelligente et avisée autant qu’égoïste et rusée, ses qualités et ses défauts contribuèrent également à favoriser l’évolution du peuple anglais vers un insularisme profitable dont il possédait l’instinct sans en tenir la formule. En cinq années la reine Marie avait réussi à faire la quasi-unanimité parmi ses sujets contre tout retour à l’hégémonie pontificale. La persécution qu’elle avait déchaînée rejetait dans l’ombre les excès précédents. Élisabeth se garda de pareils errements. Un historien l’a dépeinte « païenne de raison, de tempérament et de goûts ». C’est peu exact. Elle eût sans doute fort mal compris Julien l’apostat. Mais les problèmes religieux ne l’obsédaient aucunement et cela lui permit de favoriser, selon ses propres intérêts, une confession ou l’autre sans prendre parti. Sur le