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louis xiv et son siècle

nances au comptant » qui échappaient au contrôle de la Cour des comptes. Colbert intervint dans tous les domaines à la fois, comprenant fort bien qu’agriculture, commerce, marine, industrie se trouvaient en liaison avec la remise en état des finances. Il fournit un labeur incroyable, commit passablement d’erreurs mais réussit néanmoins par son zèle et son activité à donner un essor inespéré à la production sous toutes ses formes.

La diplomatie fonctionnait à l’instar du gouvernement des provinces c’est-à-dire qu’aux côtés de grands seigneurs chargés d’éblouir les cours étrangères par leur faste, il y avait des agents d’origine plus modeste que n’embarrassaient point des suites nombreuses et chamarrées mais qui, avisés, méfiants, curieux et retors, excellaient à introduire dans les traités de la « matière à chicane » ou d’utiles obscurités. Cette diplomatie malheureusement coûtait fort cher, moins par la dépense personnelle des ambassadeurs et envoyés que par la corruption dont elle se faisait un auxiliaire habituel. Louis XIV ne se ruina pas tant par ses constructions ni même par ses guerres que par les innombrables dons et pensions dont il gratifia des Français souvent peu dignes de les recevoir et incapables de les utiliser pour le bien public — et par les incessants subsides qu’il versa entre les mains d’étrangers prêts à le trahir dès que la manne cesserait d’y tomber. On disait notamment des princes allemands que les petits étaient toujours prêts à lui tendre la bourse et les grands, le chapeau.

S’il est exagéré de prétendre qu’il y ait eu en France pendant toute la durée du xviime siècle comme l’a écrit L. Bertrand « un cheminement pour ainsi dire ininterrompu de l’idée impérialiste », on ne peut nier qu’un courant chauvin ne se soit manifesté au temps de l’adolescence de Louis XIV mais ce n’était point là du véritable impérialisme. Aussi bien l’impérialisme français (pour autant que l’on entend par là une ambition continue d’agrandissement territorial) n’a jamais été qu’une plante éphémère et fantaisiste. Si à ce moment la guerre fut populaire, c’est principalement qu’elle était dirigée contre l’Espagne. La haine envers les Espagnols se maintenait vivace en France. Elle tenait peut-être son origine de la captivité de François Ier à Madrid, affront jamais pardonné. Elle avait sûrement été entretenue par la morgue insupportable de la cour d’Espagne et de ses envoyés, par les intrigues perpétuelles du gouvernement de Madrid, son esprit d’intolérance, son ingérence indiscrète dans les affaires françaises.