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histoire universelle

après avoir ensanglanté l’Irlande et donné à tous l’impression de son impuissance à rien fonder de durable était mort et, après six mois, son fils avait eu le bon sens de renoncer à une hérédité ridicule. La restauration du roi Charles II s’imposait à tous et le général Monk qui en prit l’initiative n’eut pas grand mal à se donner pour la réaliser (1660). Par malheur ce prince qui n’était point incapable sacrifiait tout à son plaisir. Jouisseur et dépensier, il paralysa vite l’élan qui avait salué son retour. Son frère et successeur Jacques II (1685-1688), obstiné et brutal, acheva de compromettre la dynastie. On vit rarement en un siècle autant d’incohérence que sous ces Stuart qu’aucune expérience, si cruelle fut elle, ne parvenait à corriger. Dans le dédale des courants religieux, ils ne surent jamais s’orienter. Le peuple anglais avait supporté avec beaucoup de patience ces alternatives capricieuses et l’incertitude qui en résultait. Mais la patience l’abandonnait ou plutôt, désintéressé de la royauté, il s’attachait à son parlement comme à la seule institution qui put dorénavant le sauvegarder sinon le satisfaire.

Jacques II était retourné au catholicisme et prétendait élever dans cette confession son fils tard venu, le prince de Galles. Ses deux filles, Marie mariée à Guillaume d’Orange et Anne étaient protestantes. En 1688 Guillaume et Marie appelés par le vœu tacite de la majorité du pays débarquèrent en Angleterre tandis que Jacques II se réfugiait en France. Alors fut conclu entre la nation et les nouveaux souverains un pacte que leurs successeurs n’ont jamais cessé d’observer et par lequel étaient garantis : la liberté individuelle, le vote de l’impôt, la liberté électorale, le contrôle permanent du parlement. La succession protestante était assurée, les catholiques exilés des emplois. Une ère nouvelle commençait pour l’Angleterre. On pourrait l’appeler l’ère du balancier. Sous le règne de la reine Anne (1702-1714) qui succéda à sa sœur et à son beau-frère, ces principes se consolidèrent. Il fut désormais acquis que la guerre ne devait pas être conduite au-delà des frontières de l’intérêt, que les discussions religieuses ne devaient pas dépasser les limites de la tranquillité publique, que l’alternance des partis whig et tory[1] assurerait le jeu raisonnable de la constitution

  1. Le mot whig semble une abréviation écossaise appliquée en 1648, à des hommes qui avaient manifesté à Édimbourg contre le pouvoir royal ; d’usage courant après 1680, il servit à désigner les partisans des droits populaires et fut opposé dès lors à tory, terme injurieux d’origine irlandaise, dont on affubla certains royalistes et, par extension ultérieure, les conservateurs.