utile à nos intérêts nationaux ; pour le bien comprendre, il faut se représenter les consequences qu’aurait entraînées notre abstention forcée dans une circonstance aussi solennelle, à un moment où, devant l’étendue du désastre subi, l’Europe se demandait si nous parviendrions jamais à nous en relever complètement.
Il est hors de doute que le prince de Bismarck, en provoquant par ses exigences la prolongation d’une lutte à outrance, ait nourri l’espoir de réduire la France au rang de puissance secondaire : cela lui tint à cœur plus que la possession de l’Alsace-Lorraine. Un agrandissement de territoire n’était rien auprès des perspectives qu’ouvrait pour l’Empire allemand la disparition de la France du concert des grandes puissances. Cette illusion à laquelle il fut long à renoncer, et qu’il paraît avoir entretenue contre toute évidence, explique la brutalité de sa politique. Quand enfin ses yeux s’ouvrirent, sa mauvaise humeur manqua de provoquer une nouvelle guerre ; c’est ce qu’on a appelé l’alerte de 1875. L’Europe s’étant interposée, il prit tout à coup son parti de voir la France maintenue à son rang et se borna à demeurer, vis-à-vis d’elle, sur la défensive, non sans envisager peut-être la possibilité d’une entente avec elle dans un avenir lointain.
Cette étrange série d’évolutions se dessine dans la correspondance du chancelier avec le comte d’Arnim, son ambassadeur en France. En janvier 1872, lors de l’arrivée du prince Orloff à Paris, M. de Bismarck écrit à M. d’Arnim : « Je prie Votre Excellence de ne pas se laisser égarer
profitant de la présence des plénipotentiaires, leur soumettre quelque question intéressante pour son pays ».