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la tunisie et l’égypte.

cette situation, le gouvernement n’avait pas le droit d’hésiter. Il saisit les Chambres d’une demande de crédits, malheureusement insuffisants. Le vote presque unanime[1] du Parlement, l’attitude amicale de l’Allemagne, très correcte de l’Angleterre, enlevèrent tout souci à notre diplomatie : l’Italie, découragée, rappela M. Maccio, et l’opinion passa sa colère sur le ministre Cairoli qui fut renversé.

Très sagement le général Farre, ministre de la guerre, ordonna des préparatifs que l’on critiqua parce qu’ils ne parurent pas en rapport avec l’effort à accomplir. La soumission fut, en effet, des plus promptes : on occupa Bizerte ; le Bey, surpris et décontenancé par l’indifférence et les fins de non-recevoir qui accueillirent, en Europe, sa protestation, signa le traité du 12 mai 1881, et M. Roustan fut nommé ministre résident. Deux fautes graves furent alors commises : nous consentîmes à ce que les troupes françaises n’entrassent pas dans Tunis, et l’effet moral produit sur les Arabes par cette fâcheuse concession fut considérable ; en second lieu, on se pressa de rapatrier le corps expéditionnaire, sans songer que la soumission du Bey n’impliqnait point que tout danger fût conjuré du côté du Sud ; les effets de la prudente conduite du ministre de la guerre furent annihilés de la sorte.

Malgré que les circonstances parussent si favorables, ce n’était pas sans une certaine inquiétude que le gouvernement s’était résigné à faire la conquête de la Tunisie ; il est impossible d’étudier même superficiellement la courte histoire de cette expédition sans se rendre compte que son

  1. Il y eut cinquante abstentions à droite, et M. Delafosse formula des réserves au nom de quelques votants.