étaient nombreux et difficiles à franchir. Et d’abord parviendrait-on jamais à intéresser le pays, d’une façon durable, à une entreprise qu’il n’aurait pas le moyen de contrôler jour par jour et dont il lui faudrait attendre longtemps les résultats ? L’indifférence n’avait-elle pas été la cause des insuccès passés ? En somme, une certaine impopularité s’était toujours attachée à la colonisation. Avec Voltaire, on n’avait aperçu dans le Canada que « quelques arpents de neige ». La Louisiane avait excité la verve des Parisiens, et ce pauvre grand Dupleix s’était vu tourner en ridicule, au point, dit un de ses historiens[1], « qu’on faisait sur lui et sur ses projets des contes moraux et des opéras-comiques ». Plus récemment, quelle ferme volonté et quel esprit de suite avaient été nécessaires pour rendre populaire l’armée d’Afrique dont les conquêtes faillirent si souvent être compromises par « les hésitations, les défaillances, les vues bornées, la politique ignorante, étroite ou déclamatoire des Chambres censitaires[2] » ! Ces exemples n’étaient guère encourageants, et, sans prévoir que l’esprit de parti allait faire du Tonkin « le champ clos de nos discordes[3] », on devait s’attendre à une lutte opiniâtre dont l’issue, longtemps peut-être, demeurerait incertaine.
- ↑ M. de Saint-Priest.
- ↑ Jules Ferry, Le Tonkin et la mère patrie.
- ↑ Id.
dans le discours cité ci-dessus, quand ils s’indignent de voir la République française prétendre à faire autre chose que de la politique de réserve, de pot-au-feu, passez-moi l’expression ; ils ne nous dissimulent pas qu’ils estiment qu’une politique capable de vastes desseins et de grandes pensées est l’apanage de la monarchie : un gouvernement démocratique, à leurs yeux, est un gouvernement rabaissant toutes choses, la politique comme le reste. »