« Les industriels de la métropole ne réussissent jamais à alimenter largement le marché dont ils ont écarté leurs concurrents étrangers, et à ne plus vendre que des produits nationaux ; les marchands de la colonie végètent et languissent[1]. » Si les Chambres républicaines étaient amenées à établir des droits protecteurs — et on pouvait, à certains signes, prévoir cette éventualilé, sans être pessimiste — que deviendraient les colonies ?
Tous ces points d’interrogation, toutes ces incertitudes, toutes ces raisons de craindre pour l’avenir ne paralysèrent pas l’activité des « coloniaux ». Ils ont eu foi dans leur œuvre et, secondés par les hardis voyageurs qui servirent d’éclaireurs à nos soldats, ils ont créé une Afrique et une Asie françaises sur lesquelles il est permis de jeter les yeux avec orgueil, bien que ce qui a déjà été accompli soit peu de chose auprès de ce qui reste à faire.
En 1872, nous possédions en Afrique : l’Algérie, où la colonisation militaire rêvée par le maréchal Bugeaud avait complètement échoué, où l’incurie et l’incapacité de l’administration rivalisaient avec la néfaste institution des bureaux arabes pour éteindre toute initiative et arrêter l’essor de toute entreprise privée ; l’Algérie qui pesait sur les finances de la métropole au lieu de les soulager[2], et qui n’avait à son actif que d’avoir formé de bons officiers et entretenu la vigueur des troupes. Nos prétentions sur
- ↑ J. Chailley-Behr, La colonisation de l’Indo-Chine.
- ↑ D’après le rapport présenté au Sénat par M. Pauliat pour le budget de 1891, l’Algérie, de 1830 à 1888, a coûté un peu plus de 5 milliards et rapporté 1,260,018,754 francs ; en 1891, ajoutait le rapporteur, elle coûte plus de 86 millions : or avec 46 millions par an, l’Angleterre administre ses colonies, c’est-à-dire un sixième du globe et 300 millions d’habitants.