Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
203
la crise (1885-1889).

sure qu’elles approchaient, l’incertitude augmentait sur leur résultat probable. L’opposition avait de sérieux griefs à faire valoir ; le parti conservateur était, sans doute, en proie à des divisions qui l’affaiblissaient ; mais les orléanistes, les victoriens, les jérômistes pouvaient se mettre d’accord pour détruire : sur ce terrain là, les derniers événements rendaient l’entente plus facile, Aussi les plus enthousiastes partisans du scrutin de liste, ceux qui avaient espéré, en l’établissant, émanciper le suffrage universel, soustraire la politique aux influences locales et faire voter pour des idées plutôt que pour des hommes, ceux-là mêmes sentaient leur confiance ébranlée et se demandaient si, en hâtant la réforme, ils n’avaient pas devancé l’heure où l’état des mœurs électorales lui permettrait de porter tous ses fruits. Ce n’est pas tout de décréter un progrès ; encore faut-il qu’il soit à la portée de ceux auxquels on prétend l’appliquer. Tout en continuant d’admettre théoriquement la supériorité du scrutin de liste, beaucoup pensaient à présent qu’il eût mieux valu maintenir le serutin d’arrondissement et se prenaient à regretter leur vote.

Il était manifeste que les électeurs, au jour du vote, se sentiraient désorientés et déroutés ; on devinait leur embarras, à voir celui des candidats ; les groupes politiques tentaient de s’unir contre l’ennemi commun et, cherchant dans leurs programmes les points sur lesquels il y avait, de part et d’autre, communauté de sentiments, étaient amenés tout naturellement à rédiger des manifestes vagues et incolores où l’on ne remarquait que ce qui ne s’y trouvait pas ; ou bien à former des listes incroyablement bigarrées, telles qu’il était impossible aux élec-