tère dont il avait fait preuve[1] vota contre lui ; à gauche, le désir d’écarter du pouvoir le général Boulanger causa, dans les rangs des ministériels, de nombreuses défections. La crise fut particulièrement longue et difficile à dénouer. Par esprit d’opposition, l’extrême gauche soutenait le ministre de la guerre ; jamais elle ne s’était montrée plus hargneuse et moins maniable ; tous ses efforts semblaient tendre à compliquer les questions et à les rendre insolubles. C’était bien un de ces partis qui « perdraient dix républiques s’il y en avait dix à perdre, et qui ne seront jamais surpassés dans l’art de précipiter sur la pente des chutes irrémédiables, sans point d’arrêt possible, les institutions démocratiques[2] ». En éloignant le général Boulanger, on s’attirerait le reproche d’avoir cédé « à la peur de l’Allemagne ». Ce reproche se pressentait déjà sur les lèvres des radicaux et des monarchistes ; il fallait, pour l’affronter, du courage et de la vigueur. M. Rouvier se dévoua et forma un cabinet homogène autour duquel il convia à se grouper tous les hommes d’ordre et de bonne volonté, sans distinction d’opinions[3].
On n’en avait pas fini avec l’ex-ministre de la guerre. En quittant la rue Saint-Dominique, le général Boulanger avait lancé, contre l’usage, un ordre du jour à l’armée : il y parlait de « rentrer dans le rang », ce qui était assurément
- ↑ M. Goblet avait, notamment, dissous le conseil municipal de Marseille qui avait levé sa séance, le 18 mars, en l’honneur de l’anniversaire de la Commune.
- ↑ E. de Pressensé, Variétés morales et politiques. 1 vol., Paris, 1886.
- ↑ M. Rouvier choisit pour ses collaborateurs MM. Fallières, Spuller, de Heredia, Dautresme, Barbe, Mazeau, Barbey et le général Ferron ; il maintint le portefeuille des affaires étrangères entre les mains de M. Flourens.