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la crise (1885-1889).

appela l’attention sur un trafic de croix de la Légion d’honneur dont il avait été parlé à plusieurs reprises dans les journaux, sans qu’on attachât beaucoup d’importance à leurs dénonciations le plus souvent anonymes et imprécises. Au cours des perquisitions faites chez une dame Limouzin, qui avait organisé, en vue de ce détestable commerce, une véritable agence, on découvrit des lettres compromettantes de M. Wilson, gendre du Président de la République. La nouvelle ne causa pas une grande surprise dans le monde parlementaire ; M. Wilson était, depuis longtemps, suspect. Mais, dans les masses, l’émotion fut considérable. Comme il arrive en pareil cas, les révélations se multiplièrent, rapides et accablantes. Le gouvernement tenta vainement de s’opposer à la demande d’enquête parlementaire déposée par M. Cunéo d’Ornano ; elle fut votée par 338 voix contre 130. Quelques jours plus tard, une demande d’autorisation de poursuites contre M. Wilson fut votée à l’unanimité.

L’opinion s’exaspéra en apprenant bientôt que, tandis que l’affaire s’instruisait, deux lettres de M. Wilson avaient été soustraites au dossier et remplacées par deux autres[1]. De ce jour on sentit que rien n’empêcherait le chef de l’État d’être irrémédiablement atteint par la déchéance morale d’un membre de sa famille, On commença donc à parler de sa démission en termes qui lui rendaient à peu près impossible de ne pas la donner : la pression de tous les hommes politiques s’ajouta à celle de l’opinion, mais en vain. Alors, pour atteindre le Président, on renversa le

  1. M. Gragnon, préfet de police, responsable, fut aussitôt destitué et remplacé par M. Léon Bourgeois.